Bien connu du monde diplomatique, le jeu des otages touche avant tout des journalistes, personnalités politiques, activistes et artistes... engagés ou non. Figure de la nouvelle école parisienne, l’artiste de graffiti Théo Clerc (38 ans) a été arrêté et emprisonné à Bakou en Azerbaïdjan, pour y avoir peint son nom sur un métro le 31 mars 2024. Détenu dans d'inquiétantes conditions depuis, il a été condamné le 10 septembre à une peine de trois ans de prison. Ses deux amis et complices néo-zélandais et australien ont été, pour la même action, libérés et condamnés à une simple amende de 3 600 euros chacun, en plus des 8 000 euros payés collectivement. Pris dans les mailles des tensions diplomatiques entre la France et l'Azerbaïdjan, qui reproche à l'Hexagone d’être une alliée de l’Arménie dans les négociations entre les deux pays du Caucase, Théo Clerc fait l'objet d'un « traitement arbitraire et ouvertement discriminatoire » selon le communiqué du 12 septembre du ministère des Affaires étrangères, qui précise que l’ambassade de France à Bakou a assisté à toutes les audiences du procès et cherché en vain à exercer la protection consulaire pour l'artiste. L'affaire avait été jusqu'alors relayée dans les médias (AFP, Le Figaro, Le Point...) d'un point de vue politique, mais « la presse artistique et le monde de l'art n'étaient pas mobilisés », explique Hugo Vitrani, instigateur et curateur de la fresque peinte au Palais de Tokyo en soutien à Théo Clerc par ses amis artistes, Julien Calemard et Thami Nabil. « La situation est complexe et le fait d'avoir le soutien d'une institution comme le Palais de Tokyo, qui est portée par l'État, joue un important rôle symbolique – et effectif. L'œuvre, placée à un lieu stratégique entre deux étages du Palais, a reçu une grande visibilité lors et depuis son vernissage mi-octobre. Les artistes ont déposé une lettre devant la fresque, que la plupart des visiteurs lisent avant de signer la pétition accessible par un QR code », poursuit le curateur. Lancée au lendemain de la condamnation en prison, celle-ci a recueilli 31 000 signatures en 6 semaines. « La gravité de la peine nous paraît disproportionnée et injuste. Théo subit une sanction bien plus sévère, apparemment liée à sa nationalité française. Nous croyons fermement que, selon les lois azerbaïdjanaises elles-mêmes, Théo n’aurait pas dû être condamné à une peine de prison, souligne la pétition. Théo n’est pas un criminel. C’est un artiste passionné, dont l’intention n’a jamais été de causer du tort ou de manquer de respect au peuple azerbaïdjanais. Il a d'ailleurs écrit une lettre personnelle au président Ilham Aliyev pour exprimer ses profondes excuses. Son acte, bien qu’irréfléchi, était purement artistique et ne contenait aucune visée politique ». Le coup de projecteur qu'offre la fresque Coloriage, visible jusqu'à la fin de la saison d'expositions en janvier, pourrait « inciter le ministère de la Culture, mais aussi celui des Affaires étrangères, à se mobiliser », espère Hugo Vitrani. Rachida Dati, dont les liens avec l'Azerbaïdjan ont été relevés par Libération en début d'année, pourrait en outre potentiellement jouer un rôle clef.