Crise : le mot fait frémir. Certains acteurs du marché de l'art l'emploient, d'autres non. Au terme repoussoir, on préfère souvent celui de « ralentissement ». Au niveau mondial pourtant, les chiffres sont là, tout comme le ressenti : les maisons de ventes leaders Sotheby's et Christie's ont connu au premier semestre 2024 une baisse spectaculaire de leurs ventes, respectivement de 25 % et 22 %. Et s'il reste difficile d'obtenir des chiffres de la part des galeries, les foires font état de ventes et de prix moyens en berne.
La baisse serait-elle due à un effet post-post-Covid, les transactions ayant bondi après la pandémie pour connaître aujourd'hui un repli, dans un effet de ressac ? Les observateurs signalent plusieurs facteurs : l'incertitude géopolitique internationale, la chute du secteur du luxe (en particulier en Chine) et de l'immobilier (dont les clients sont les mêmes que ceux du marché de l'art), ou encore le besoin, dans une période tourmentée, de donner du sens aux acquisitions...
Des maisons de ventes dans l'expectative
Qu'en est-il en France ? Du côté des maisons de ventes, Sotheby's, qui vient d'ouvrir en grande pompe son nouveau siège parisien rue du Faubourg Saint-Honoré, est dans l'incertitude. D'après le Wall Street Journal, « la maison de ventes retarde ses paiements en attendant une bouée de sauvetage financière provenant d'un fonds d'Abou Dhabi ». Contactée, l'antenne parisienne n'a pas souhaité communiquer les chiffres de ses ventes d'art au premier semestre 2024. D'autres affichent un certain optimisme. « Je ne parlerais pas de ralentissement nous concernant, déclare Cécile Verdier. À Paris, nous avons eu autant de ventes que l’an dernier. » La directrice de Christie’s France – qui ne communique pas non plus ses chiffres du premier semestre – concède cependant « une baisse des transactions au niveau mondial et une petite baisse des prix dans l'ultra-contemporain ». Les estimations, pour cette dernière spécialité, ont été revues à la baisse de 10 à 15 % par rapport à 2023. Cécile Verdier se veut confiante : « Le marché de l’art est très résilient et toujours aussi friand d'œuvres, mais il est nécessaire de proposer des estimations raisonnables ». Ce qui marche le mieux, selon elle : les collections.
Chez Artcurial, Stéphane Aubert confirme : « Tout ce qui est de bonne provenance continue à bien se vendre ». Le directeur associé vante les atouts du modèle d'une « petite » maison diversifiée : « Nous sommes une entreprise relativement petite, ce qui permet une agilité de décisions. Nos 25 spécialités différentes assurent une certaine stabilité, avec beaucoup de contacts de proximité ». Cependant, la prudence reste de mise : « Artcurial continue à se développer et investir, mais nous faisons attention et réfléchissons à notre modèle économique ». Après l'explosion des ventes en ligne pendant le Covid, le commissaire-priseur continue à croire…