Du propre aveu de ses cofondateurs, les galeristes parisiens Nerina Ciaccia et Antoine Levi (Ciaccia Levi), Axel Dibie et Alix Dionot-Morani (Crèvecoeur) et les Zurichois Marie Lusa et Gregor Staiger (Gregor Staiger) la création de Paris Internationale en 2015 relevait de l’utopie. « Nous sommes partis du constat qu’il était de plus en plus difficile pour les jeunes galeries d’exister dans le système des grandes foires, très coûteuses, et avions cette envie de montrer des artistes émergents, pas commerciaux », confie Marie Lusa. « Il nous semblait que la présence de nombreuses réalités de l’art manquait lors de de la semaine de la FIAC, se remémorent Antoine Levi et Nerina Ciaccia. Une foire non concurrentielle mais alternative et complémentaire avait toute sa place. » S’éloignant du concept de foire satellite ou boutique, Paris Internationale a très tôt affirmé sa forte dimension curatoriale, en s’appuyant sur l’expertise de curateurs de renom, Vincent Honoré, Clément Delépine ou Anissa Touati en tête. « Nous voulions aussi contribuer à dynamiser l’image de la ville à une époque où l’offre des foires était plus réduite, et les galeries internationales bien moins présentes qu’aujourd’hui », rappelle Axel Dibie. Si en 2024 la capitale française peut en effet se targuer d’accueillir une offre de salons aussi pléthorique que diverse, Paris Internationale se positionne toujours en défricheuse, mettant côte à côte jeunes pousses et enseignes établies venues d’une quinzaine de pays : ces trois dernières années, elle a notamment fait le choix de montrer uniquement des solo ou duo shows de tous médiums, encourageant les galeries à proposer des présentations plus pointues. « Cela pousse aussi les artistes à développer des projets précis, parfois spécialement pour la foire », ajoute Axel Dibie. En dix ans, Paris Internationale a par ailleurs réussi à se maintenir en tant qu’organisation commerciale à but non lucratif, réinjectant ses bénéfices dans les éditions futures. Son équipe n’a pas non plus perdu de vue la réalité d’un marché de plus en plus concurrentiel, où les galeries indépendantes luttent pour leur équilibre. Consciente de la hausse des coûts de participation aux foires, elle pratique des tarifs allant de 6 500 à 19 000 euros selon la taille des stands. « Nous essayons de faire en sorte que les galeries puissent travailler avec moins de stress économique, en leur donnant la possibilité d’investir davantage dans la qualité des productions des œuvres », appuie Antoine Levi.
Cultiver le nomadisme, capter de nouveaux publics
En neuf éditions, Paris Internationale a beaucoup voyagé : elle a tour à tour élu domicile dans des hôtels particuliers, des immeubles haussmanniens, les anciens locaux du journal Libération ou encore l’ancien atelier du photographe Nadar. Au fil des ans, la foire a affirmé son goût des lieux insolites à la richesse patrimoniale insoupçonnée. « Investir des espaces différents est un défi qui génère toujours des imprévus, mais cela nous pousse à nous renouveler, explique Marie Lusa. Cela donne aux artistes et aux galeries l’opportunité d’occuper un lieu comme un terrain de jeu, d’oser les projets fous. » Varier les quartiers permet aussi de capter un public de curieux, qui se greffe au réseau de collectionneurs et de curateurs habitués. Malgré l’augmentation des coûts logistiques et d’installation, la foire maintient la gratuité d’entrée pour tous. Pour Marie Lusa, elle est « essentielle, car elle pousse les gens à revenir. Nous voyons souvent des personnes parcourir les stands un jour, et suivre une conférence un autre. » Créer un environnement favorable aux discussions entre spécialistes et néophytes fait aussi partie de l’ADN de Paris Internationale, forum de rencontres : chaque année, des curateurs se prêtent au jeu des visites guidées, nommées avec humour les « Daily Dérives ». Une formule pédagogique originale qui conquiert aussi bien les collectionneurs avertis que les étudiants en art.