Fête et performance sont deux manières de rendre présent, d’agir gratuitement, de mettre en jeu le corps, de faire collectif et d’organiser des lignes de fuite. Pour autant, performer la fête ne va pas de soi. Là où la performance réclame maîtrise et attention au réel, la rave consiste à perdre prise, à faire des expériences de latence et de trouble, à s’oublier, à confondre les apparences. En rendre compte semble être une opération impossible, similaire au travail de réélaboration du rêve, fait comme elle de déplacements, de fantasmes et de déformations. Mais si la rave n’est qu’un rêve, que peut-on attendre de son substitut performatif ?
Les performances qui reproduisent les raves trahissent toujours son caractère secret. Dans les soirées techno, l'obscurité et les angles morts de l’espace, l’interdiction (a priori) des photos, la non-adresse des danses installent un climat d’opacité choisie qui concourt à la désinhibition des ravers. Dans son livre Sens multiple – La techno, un laboratoire artistique et politique du présent (Dis Voir, 1998), le philosophe et critique d'art Michel Gaillot affirmait à ce titre que la fête techno se pose toujours en creux comme une critique de la représentation scénique et de son esthétisation. La rave se vit mais ne se donne pas en spectacle. Aussi la dramaturgie de la pièce Crowd (2017) de Gisèle Vienne repose-t-elle sur l’aporie…