Le 31 août, Le Monde publiait une tribune intitulée « Des musées français courbent l’échine devant les exigences chinoises de réécriture de l’histoire et d’effacement des peuples », signée par un collectif de 27 chercheurs – dont Anne Cheng, sinologue et professeure au Collège de France, Jacques Bacot, expert en art, et Françoise Wang-Toutain, directrice de recherche au CNRS. Ils y affirment que « la terminologie employée dans ces institutions reflète les desiderata de Pékin en matière de réécriture de l’histoire et d’effacement programmé des peuples non han qui ont été intégrés ou annexés par la République populaire de Chine, cela jusqu’à en perdre aujourd’hui leur propre ethnonyme et celui de leur territoire ancestral », et soutiennent que « nos institutions veulent préserver à tout prix leur accès aux terrains de recherche, aux sources et aux archives chinoises, et bénéficier des largesses financières et des prêts d’objets muséographiques dépendant de la bonne volonté du régime chinois ». Les scientifiques rappellent qu'en 2023 pour l'exposition Gengis Khan, le musée d'histoire de Nantes avait quant à lui « refusé qu’en contrepartie du prêt d’objets par la Chine le nom de Gengis Khan soit effacé, tout comme l’histoire et la culture mongoles, au bénéfice du nouveau récit national ». Ici sont visés en particulier le musée du quai Branly et le musée Guimet. En ce qui concerne le premier, « on ne peut que s’étonner de la suppression, dans le catalogue des objets tibétains, du nom "Tibet" au profit de l’appellation chinoise "région autonome du Xizang", souligne le texte. Cette modification n’est que l’application d’une loi en vigueur depuis 2023 en République populaire de Chine et montre bien la volonté que le Tibet, occupé et colonisé depuis 1950, doit être rayé des cartes et des consciences, au présent comme au passé ». Contacté, le Quai Branly assure qu'il « utilise l’appellation Tibet dans ses cartels des collections permanentes et n’a jamais cessé d’utiliser cette appellation dans son travail sur les collections ». « Le thesaurus de classification des collections conservées par le musée fait apparaître les deux termes (Tibet et Chine) », ajoute l'institution, mais « les notices consultables en ce moment en ligne ne sont pas les versions à jour, en raison d’une mise à jour technique en cours et peuvent induire en erreur ». Avant de conclure : « L'intégrité professionnelle et l'autonomie institutionnelle (du musée) ne sont en rien menacées par des intérêts financiers ou politiques ». À Guimet, les chercheurs reprochent que « "monde himalayen" ait remplacé le toponyme Tibet dans les salles qui lui sont consacrées ». Auprès du Quotidien de l'Art, le musée souligne que « l'appellation "monde himalayen" correspond à une aire culturelle comprenant le Tibet et le Népal. Ce terme englobant ne fait en aucune façon disparaître les termes "Tibet" ou "tibétain" qui figurent, notamment, sur les cartels en salles ou sur le site internet du musée ». Il rappelle qu'une salle et une journée ont été récemment consacrées au voyage tibétain d’Alexandra David-Néel, qui « apportent par elles-mêmes un démenti aux mises en cause infondées dont le musée Guimet fait l’objet ».