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Rouge Matisse

Rouge Matisse

Ce tableau à dominante rouge n’est pas un monochrome : les contours d’objets et de meubles divers se détachent de l’ensemble. Bienvenue dans l’atelier où Henri Matisse s’installe en 1908, à Issy-les-Moulineaux. Trois ans plus tard, il le prend pour modèle, dans le cadre d’une triple commande de son mécène, le magnat du textile russe Sergueï Chtchoukine. Y cohabitent trois sculptures, une céramique et sept toiles précédemment réalisées par l’artiste lui-même. De gauche à droite, Large nu (1911), dont il aurait ordonné la destruction après sa mort ; Nu à l’écharpe blanche (1909), dont les bras et les jambes présentent des repentirs visibles ; La Corse, le vieux moulin (1898), référence à la lune de miel de l’artiste sur l’île de Beauté ; Le Jeune marin II (1906), unique modèle masculin, habillé, au milieu de femmes dévêtues ; Cyclamen (1911-1912), la seule nature morte de la composition ; Les Baigneuses (1907), clin d’œil à Paul Cézanne, dont le peintre possédait quelques œuvres ; Luxe II (1907-1908), seconde version d’un triple nu féminin de plus de deux mètres. Ces mises en abyme confèrent au tableau – aussitôt rejeté par Chtchoukine mais entré, en 1927, dans les collections du MoMA, à New York – l’allure d’un autoportrait en creux. En 2019, les équipes de l’institution américaine remarquent des pointes de bleu, de rose et d’ocre aux quatre coins de la toile. En ôtant le cadre et en analysant des échantillons microscopiques, celles-ci parviennent à reconstituer la distribution de ces couleurs sous-jacentes : en décembre 1910, soit deux mois après avoir terminé la première version de ce qui allait devenir L’Atelier rouge, Matisse se serait armé d’un pinceau pour recouvrir sa composition initiale de vermillon. « Ce n’est pas le résultat que j’imaginais. J’aime bien mais je ne comprends pas tout à fait. Je ne sais pas pourquoi je l’ai peint de cette façon », aurait-il confié à l’écrivaine hongroise Vilma Balogh, en janvier 1912. À ce chef-d’œuvre, la fondation Louis Vuitton consacre aujourd’hui une exposition.

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Édition N°2806 / 10 avril 2024

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Par Rafael Pic


Article issu de l'édition N°2852