« Je suis tombée amoureuse d'une couleur - la couleur bleue, en l'occurrence - comme on tombe dans les rets d'un sortilège, et je me suis battue pour rester sous son influence et m'en libérer, alternativement », écrit la poète Maggie Nelson en ouverture de son livre Bleuets. Sa collection de fragments poétiques et de pensées philosophiques résonnent en ondes à la surface du lac de Côme où se réfléchissent en miroir le paysage intérieur et extérieur. Avant la déferlante des touristes contemporains, les âmes romantiques avaient déjà découvert et dépeint, avec autant de douceur que de douleur, la cime de ses rivages inspirants. À la jonction des deux bras du lac, le promontoire de Bellagio, petite commune de 4 000 habitants, a recueilli le blues de Turner, Ruskin, Mary et Percy Shelley, Liszt et Verdi... Un héritage artistique dont l'écho lointain peine à se faire entendre au milieu du brouhaha et du brouillard que forme, chaque jour, la masse de dizaine de milliers de touristes se pressant dans les rues étroites du village. Pour tenter d'éclairer l'horizon, le lieu tente aujourd'hui un coup de maître en relançant sa tour médiévale comme lieu d'exposition international. Pour jeter l'ancre, la Torre delle Arti expose une série d'œuvres de l'artiste londonienne Nancy Cadogan, fidèle amoureuse du lac, dont elle puise son inspiration depuis plus de vingt ans. Résidant entre Londres et Bellagio, son regard ne se défait jamais vraiment de ses heures bleues, qui « entrent en vous, et vous transforment ». Ses toiles à la sensibilité romantique, où le temps semble s'arrêter et le silence sacré reprendre son cours, proposent de se battre avec douceur pour rester sous l'influence du grand paysage bleu, et de le libérer, ne serait-ce qu'un instant.
« Nancy Cadogan. Stanza », jusqu'au 5 août à la Torre delle Arti à Bellagio, torredelleartibellagio.it