Les artistes qui travaillent à la confluence des sciences humaines, de la sociologie et des techniques de pointe fournissent certaines des œuvres les plus politiques et stimulantes du moment, de Forensic Architecture à Cooking Sections ou Hadjithomas & Joreige. « Nous avons acquis l’an dernier l’installation de Lawrence Abu Hamdan, explique la directrice du Mudam, Bettina Steinbrügge. Commandée par la Sharjah Art Foundation, elle a été montrée à la Biennale de Berlin. » Air Conditioning acquiert aujourd’hui une résonance particulière, dans le cadre du conflit entre Israël et Gaza. Pour l’artiste, né en 1985 à Amman, titulaire d’un PhD en « politique de l’écoute » au Goldsmiths College, il s’agissait de transcrire visuellement une somme énorme de données (obtenues de sources ouvertes) sur la surveillance aérienne du Liban par l’armée israélienne. Bien qu’État souverain, celui-ci est en effet survolé quotidiennement par une myriade d’avions et de drones du pays voisin : « Sur la période 2007-2021, ont été recensés 22 111 survols d’une durée moyenne de 4h35, soit, mis bout à bout, 8 ans et demi », précise la commissaire Vanessa Lecomte. Sous ses faux airs de joli paysage nuageux, la frise de 54 mètres de long est en fait la restitution de cette activité sonore, chaque centimètre représentant un jour et chaque type de nuage, du plus léger au plus noir, distinguant le bruit des drones ou des avions de chasse. Une activité qui viole la résolution 1701 des Nations unies et qui constitue aussi une nuisance omniprésente ou, comme le formule Lawrence Abu Hamdan, une « violence atmosphérique ».
« Lawrence Abu Hamdan, Air Conditioning » au Mudam, Luxembourg, jusqu’au 9 juin 2024.
mudam.com