Le Quotidien de l'Art

Australie : « Sous le béton coulent encore les rivières »

Australie : « Sous le béton coulent encore les rivières »
Tony Albert, History Repeats, 2022Œuvre présentée dans l’accrochage « Wurrdha Marra » à The Ian Potter Centre à la National Gallery of Victoria de Melbourne en octobre 2023.
Photo © Tom Ross.

Au lendemain de la défaite historique du référendum pour la reconnaissance des Peuples Premiers par la Constitution, et alors que l'artiste Archie Moore a remporté le Lion d’or à la biennale de Venise, la scène artistique aborigène contemporaine s'engage, dans une société australienne toujours plus fragmentée. Panorama.

« History Repeats. » Trois fois cette assertion se réitère sur l’une des cimaises de la National Gallery of Victoria (NGV) de Melbourne. Produite par Tony Albert, 43 ans, cette œuvre de 2022 est réalisée à partir d’un « Aboriginalia », ces fragments d’objets au kitsch douteux produits en série dans les années 1930-1960 et suggérant une identité autochtone tribale. History Repeats interroge ainsi une appropriation racisante des représentations aborigènes dans la culture populaire australienne. À voir ces caricatures outrancières, impossible pour un regard français de ne pas se rappeler le tirailleur sénégalais du « Y’a bon Banania », affligeant symbole d’une histoire coloniale dont la France peine encore, elle aussi, à faire son examen. 

Les visiteurs australiens penseront quant à eux au référendum du 14 octobre 2023, ayant rejeté par un « No » massif (61 %) le projet de modification de la Constitution, qui aurait permis la reconnaissance des Peuples Premiers et celle de leur « voix » au Parlement. Ce revers politique fracture encore plus un pays divisé sur la question. De leur côté, les artistes aborigènes et les représentants culturels se relèvent à peine de ce résultat, témoin du racisme systémique d’une société pourtant multiculturelle. Le dernier référendum de 1967 avait permis, avec 91 % de voix favorables, d’élever enfin les aborigènes au rang de citoyens – quand la Constitution de 1901 les considérait comme relevant de la « faune et de la flore ». 

Soixante ans plus tard, les Peuples Premiers sont encore largement discriminés et témoignent de graves pathologies sociétales : difficulté d’accès à l’éducation, taux d’alcoolisme et d’incarcération élevés, espérance de vie en dessous de la moyenne nationale. C'est pourtant dans ce contexte que la culture aborigène semble s’affirmer non plus comme un moyen de transmission d’une histoire ancestrale désavouée par le colonialisme, mais comme un outil d’union et de résistance, pour des artistes de toutes les générations.

Le musée, espace légitime de contestation ? 

À la NGV, l’œuvre de Tony Albert fait partie du nouvel accrochage de la collection d’artistes des Premières Nations. Baptisée « Wurrdha Marra » (« Plusieurs foules », en langue Wurundjeri Woi Wurrung), cette présentation inaugurée fin 2023 propose un ensemble éclectique. « La NGV est ouverte depuis 160 ans et collectionne les œuvres des Peuples Premiers depuis 1946, explique Myles Russell-Cook, conservateur en chef de l'art australien et des Premières Nations. L'antidote à l'absence est la présence. L'inclusion de cette culture matérielle dans…

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