Le Quotidien de l'Art

Contre-performances. À propos de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon 

Contre-performances. À propos de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon 
Nicolas Puyjalon, Garçon Glouton, 2023, performance au VRAC, à Millau.
Photo : Christine Matignon. © Nicolas Puyjalon.

Dans Perform or Else (2001), Jon Mc Kenzie retrace l’essor du terme « performance » après-guerre, en identifiant les trois paradigmes qui en font une clé de lecture de l’époque. À la fois mode d’expérimentation artistique, modèle d’organisation néolibéral et forme du projet industriel, la performance est ramenée à l’expression d’une même efficacité, saisie à l’aune de sa définition comme « accomplissement ». Toutes les performances artistiques, néanmoins, ne répondent pas à cette injonction à la réussite qui constitue le bruit de fond du capitalisme tardif. Nombre d’entre elles cherchent au contraire à promouvoir l’échec et la non-maîtrise, à se constituer en somme comme un lieu critique de l’idéologie productiviste, à l’instar des contre-performances de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon. Chez chacun, le refus de souscrire aux injonctions au succès est constitutif de styles esthétiques – le mal-fait, le déceptif ou l’inconséquent – qui, bien que dévalorisés, s’avèrent souvent émancipateurs. En mettant en œuvre ces résistances qui n’en sont pas, ou n’en ont pas l’air, ils invitent l’art à s’affranchir de tout postulat fonctionnaliste.  

Le loser, une identité oppositionnelle

Performance et performativité entretiennent une relation intime, au sens où l’art contribue à faire reconnaître des identités marginalisées sur la scène du social. À contrepied des modèles néolibéraux du self-made-man ou de la winner, John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon donnent corps à des subjectivités « du bas », des losers qui agissent comme des figures oppositionnelles, mettant en question le conformisme gentrificateur et l’ambition de tout réussir. 

Sous un pseudo qui marque sa résistance à l’identification, John Deneuve agit en antihéroïne en habits de Lycra ou de lumière. Elle fait d’un escabeau un agrès de fortune qu’elle ne gravit jamais vraiment, ou alors sans grâce, ni souplesse. Désublimées, ses performances donnent à son art, qui ne prétend pas s’élever, l’image d’une gymnastique sans visée orthopédique, ni spectaculaire. Expressions d’une « esthétique du handicap » (Tobin Siebers, Disabilty Aesthetics, 2010), marqueur oublié de la modernité, elles déconstruisent les représentations idéalisées du corps compétitif et de l’artiste virtuose, portées par une énergie franche et…

Contre-performances. À propos de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon 
Contre-performances. À propos de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon 

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