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La bibliothèque de Senghor bientôt dispersée ?

La bibliothèque de Senghor bientôt dispersée ?
Lot 451 mis en vente aux enchères à l’hôtel des ventes de Caen : Jacques Prévert; Paroles, Paris, Gallimard 1949, ll'ouvrage comporte un envoi "Paris 11 Mars 1960 / pour Sedar Senghor / Jacques Prevert". Avec 2 dessins au feutre de couleur représentant 2 fleurs.
Photo : Caen enchères.

« Il s'agit d'une partie de la bibliothèque de travail de Léopold Sédar Senghor, explique Claire Riffard, ingénieure de recherche à l'Institut des textes et manuscrits modernes. Les livres proposés aux enchères sont soit ceux qu'il a annotés, soit des ouvrages qui lui ont été offerts. Les étudier permettrait de comprendre davantage son réseau. Ses influences intellectuelles s'y retrouvent de manière manifeste. » En découvrant que l'hôtel des ventes de Caen avait programmé, le 16 avril prochain, la vente d’une grande partie de la bibliothèque de Léopold Sédar Senghor (1906-2001), des intellectuels et universitaires français et sénégalais se sont inquiétés. Dans un texte publié le 6 avril, ils expliquent vouloir attirer « l’attention sur l’urgente nécessité de préserver et de valoriser le patrimoine du premier président du Sénégal et poète Léopold Sédar Senghor. À travers les traces qu’il a laissées et qu’il nous a léguées, c’est toute une partie de l’histoire et du patrimoine sénégalais qui apparaît et qui risque à nouveau de disparaître ». Senghor a eu de nombreuses bibliothèques. Plusieurs sont bien identifiées, comme celle de Dakar, située dans la maison qu'il surnommait « les Dents de la mer », désormais ouverte au public, ou celle de Verson, en Normandie, chez son épouse Colette Senghor, décédée en 2019. Celle qui doit passer sous le marteau de Caen Enchères était sa bibliothèque de travail, qui le suivait au gré de ses déplacements et qui a déménagé avec lui en Normandie à sa retraite. « Il semblerait qu'elle était conservée dans un garde-meuble », détaille Claire Riffard. L'héritière de la sœur de Colette Senghor souhaite désormais s'en séparer. Chargé de la vente, le commissaire-priseur judiciaire Jean Rivola reconnaît l'intérêt scientifique des lots dans leur ensemble : « Ce sont des ouvrages de qualité courante qui n'ont pas, pour la plupart, une grande valeur financière. Mais ils sont importants pour comprendre quels écrivains et intellectuels gravitaient autour de Léopold Sédar Senghor. Beaucoup lui ont été offerts par ses contemporains et certains sont revêtus de dédicaces très belles et personnelles. » C'est notamment le cas du lot 452, le livre Aux frontières de l'Union française, écrit et dédicacé par François Mitterrand (estimé entre 30 et 50 euros), ou encore du lot 459 composé des ouvrages Elsa et Les fantômes armés, respectivement signés de Louis Aragon et Elsa Triolet (l'ensemble est estimé entre 30 et 40 euros). « Nous nous intéressons de près aux lots 452 à 553, explique Claire Riffard. Nous avons fait des captures d'écran au cas où l'ensemble serait dispersé. » Les signataires du texte souhaitent « de façon citoyenne que cette bibliothèque retourne au Sénégal, poursuit Claire Riffard. On aimerait que cet ensemble soit désormais disponible pour les chercheurs sénégalais et internationaux ». La première partie de la vente, en octobre 2023, avait finalement été annulée à la suite de l'achat par l'État sénégalais de l'ensemble des lots proposés (surtout des bijoux et objets de décoration) auprès de l'héritière. « Pour cette vente-ci, la question ne s'est pas posée en ces termes, affirme Jean Rivola. Je pense que des institutions ou bibliothèques françaises et sénégalaises vont se positionner. » Et Claire Riffard d'espérer : « Pourquoi pas la bibliothèque centrale universitaire de Dakar ? »

Leopold Sedar Senghor.
Leopold Sedar Senghor.
Keystone Press / Alamy / Hemis.

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