Brice Marden les disait annonciatrices du minimalisme. Pourtant, les dernières toiles noires et grises de Mark Rothko sont encore trop souvent associées à l'état dépressif du peintre, déjà affaibli par une santé chancelante, avant son suicide en 1970. Celui qui revendiquait avoir « emprisonné la violence la plus absolue » dans ses toiles atmosphériques révèle ici une peinture solennelle, que l’on regarde plutôt que l’on ne s’y enfuit. Loin des tonalités sourdes et enveloppantes des Seagrams, cette peinture dépouillée, très justement confrontée à L'Homme qui marche de Giacometti, évoque une sorte de retour aux sources ou de questionnement des fondements mêmes de l'existence. Celle de Rothko a connu son point final dans son atelier new-yorkais, où le peintre s’est donné la mort. Cette rétrospective de la figure phare de l’expressionnisme abstrait américain frappe d'abord par son exhaustivité : pas moins de 115 pièces ont été rassemblées auprès de 28 institutions américaines et deux européennes (Beyeler en Suisse et la Tate au Royaume-Uni) mais aussi de collectionneurs privés, dont le fils de l'artiste, Christopher Rothko (également conseiller scientifique de l’exposition). L'événement propose ainsi une véritable immersion dans la pratique bouleversante de ce peintre encore trop peu montré en Europe – qui demeure au passage l'un des préférés de Bernard Arnault – dont on découvre à l'occasion la première période figurative. En empruntant la voie de l'abstraction, l’artiste s’était emparé du sujet par un autre biais : en peignant des œuvres, elles-mêmes, vivantes. Robert Motherwell irait ainsi jusqu’à dire qu’il avait su infuser à l'art non-objectif, réputé austère, « la dimension insoupçonnée du sentiment ».
fondationlouisvuitton.fr
Jusqu’au 2 avril 2024 (de 11h à 20h, horaires élargis de 9h à 21h du 30 mars au 2 avril).
8 avenue du Mahatma-Gandhi, 75116 Paris