L’État aurait-il manqué de rigueur dans la distribution des crédits culturels en dehors du budget de la Rue de Valois ? C’est la conclusion vers laquelle tend la Cour des comptes dans un rapport rendu public hier. Les 3 milliards d'euros de crédits exceptionnels engagés pour le secteur culturel entre 2017 et la mi-2023 équivalent à une année de crédits de la mission culture du ministère. Si les 1,6 milliard d'euros du plan de relance ont permis « de stabiliser la situation budgétaire et financière de nombreux acteurs et plus globalement la sauvegarde du secteur », les magistrats pointent le caractère « marginal » de son ambition de transformation économique, industrielle et sociale. Tandis que l’« intention de dépenser le plus vite possible les crédits de l’État, a, par ailleurs, eu un effet inflationniste dans certains secteurs », notamment dans le BTP. Toujours sourcilleuse sur la gestion des deniers publics, la Cour se montre circonspecte sur une telle générosité sans possibilité de retour des crédits non utilisés, et le risque de pérennisation qui pourrait en découler. Mais là n’est pas le plus grave. La stratégie « France 2030 » et son milliard d’euros pour le secteur culturel est qualifiée de « peu lisible, [ses] processus décisionnels lourds (…) et le suivi très difficile ». La Cour relève des « effets d’aubaine » face à l’insuffisance des « études préalables des besoins et du fonctionnement des marchés ». À hauteur de 70 millions d'euros à mi-2023, le PIA 1 (Programme d’investissement d’avenir) dans le champ culturel et celui des industries culturelles et créatives est taclé d’un « bilan insatisfaisant » et d’une « absence de stratégie d’ensemble ». Financement de projets hors du périmètre des industries culturelles, d’entreprises en situation financière fragile, ou manque d’anticipation sur les effets d’accélération recherchés : les critiques sont nombreuses et dénoncent en creux une « déresponsabilisation » du ministère de la Culture, qui se trouve « dessaisi de ses missions de pilotage stratégique et de contrôle ». Outre la nécessité de conditionner les crédits à des critères d’innovation préétablis, la Cour souligne les besoins en matière d’évaluation dans ces dépenses exceptionnelles, notamment du dispositif « Mondes Nouveaux ».
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