La pratique du spinning fête cette année ses dix ans d'entrée dans la table officielle des sports mécaniques. Née à la fin des années 1980, à Soweto, dans le contexte de l'oppression des Noirs en tant que rituel funéraire à la mort d'un gangster, cette tradition contemporaine sud-africaine mêlant chorégraphie automobile et humaine consiste à conduire en rond des voitures à toute vitesse, tout en effectuant des cascades à l'intérieur et à l'extérieur du véhicule. Après les émois du spectacle, qui offre un mélange explosif de frousse et d'adrénaline au parfum de goudron brûlant et de gazoline en feu, l'arène des jeux ressemble à une gigantesque toile d'abstraction Land Art, où les traces des pirouettes dessinent des milliers de cercles sur le fond noir du sol. La voiture emblématique associée à ce sport est la BMW 325i, connue sous le nom de gusheshe. Lorsque le fabricant allemand fait appel en 1991 à l'artiste sud-africaine Esther Mahlangu, découverte en 1989 par l'exposition « Les magiciens de la terre » au Centre Pompidou, pour la création de la 12e BMW Art Car, il n'anticipe qu'à moitié la valeur symbolique que celle-ci acquerrait. Car si le lien entre la marque et le spinning, devenu très vite connu et populaire à travers le pays, promettait de faire son effet, personne n'aurait alors pu prédire la fin de l'apartheid trois ans plus tard, ni la renommée internationale à venir d'Esther Mahlangu, aujourd'hui collectionnée par les stars des médias Oprah Winfrey et Trevor Noah. Parée des fameuses figures géométriques aux couleurs vives et au tracé bien précis, qui ont fait de l'artiste une figure de lien entre tradition et modernité, art africain et art occidental, la voiture-œuvre, partie faire le tour du monde en 8 000 jours, revient pour la première fois de sa vie dans son pays natal. En temps et en heure pour y fêter les 30 ans de la démocratie et de la liberté, dont elle se fait plus que jamais le relais.
« Esther Mahlangu. A Retrospective », jusqu'au 11 août au musée Iziko au Cap iziko.org