Elles toisent le visiteur, l’air fier et libre. Les Amazones (acrylique et bain d’élixir sur toile, 2020, galerie Cécile Fakhoury) de Roméo Mivekannin, se sont défaites des stigmates liés à leur ancien statut d’agodjie, ces filles d’esclaves devenues femmes soldats qui ont constitué l’unité d’élite de l’armée du royaume du Dahomey aux XVIIIe et XIXe siècles. S’émancipant du récit européocentré, l’artiste leur a redonné une individualité et une respectabilité en les figurant sous les traits de ses tantes d’ascendance royale. L'exposition du Mucem invite les visiteurs à découvrir une histoire qui abandonne la perspective traditionnelle d’une Europe nombril du monde. Les 150 sculptures, peintures, cartes, objets ethnographiques et autres manuscrits sélectionnés nous conduisent à adopter d’autres points de vue : ceux des sociétés américaines, africaines, arabes, asiatiques et océaniennes. « Ce décentrement nous éclaire sur les manières de voir, de sentir et de penser des populations non européennes, tout en renouvelant notre perception de nous-même », souligne Pierre Singaravélou, co-commissaire de cette stimulante exposition. En témoigne cette Carte du monde sous les cieux, datant du milieu du XVIIIe siècle, offrant une image du monde centrée sur la Chine, entourée de quelques voisins : la Corée, le Japon et le Vietnam. Une représentation très éloignée des planisphères, héritées de la Conférence internationale de Washington de 1884, figurant systématiquement l’Europe au centre des terres émergées.
« Une autre histoire du monde », au Mucem, Marseille, jusqu’au 11 mars.
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