Une jeune garçon en maillot de bain se tient sur une avancée rocheuse avec pour horizon une mer bleu foncé. On s'imagine sur les bords de la Méditerranée en plein été, on ressent presque la chaleur sur notre peau et les embruns marins arrachés des vagues par un vent léger. Le garçon a la tête penchée. Il hésite, il réfléchit. Dans cette image, comme dans toutes les œuvres de Gaëlle Cueff à la galerie Françoise Livinec, il y a de la nostalgie, celle d'un moment passé dont les contours s'effaceraient peu à peu d'une mémoire hésitante. L'artiste provoque cette sensation en recouvrant ses photographies d'une mince couche d'encaustique, déposant ainsi un voile tout en transparences, qui pourrait être celui du temps qui passe. Il sied parfaitement à une approche introspective des personnages et même des paysages. Nous sommes loin de la démarche d'un Philippe Cognée qui utilise la cire pour sa matité et sa vibration floutée. Ici, Gaëlle Cueff ne part pas de la peinture mais bien de la photographie et explique qu'elle opère en tant que sculpteur pour travailler cette matière ductile à la mirette. Sur certaines œuvres telles ses forêts, elle rehausse la surface de feuilles d'argent ou d'or, pour rendre plus précieux ces instants fugaces. Arbres isolés, forêts, natures mortes, bords de mer, paysages urbains... : pour l'artiste, toutes ces œuvres sont des « Empreintes » comme elle les a baptisées, « des traces mémorielles, sensorielles et oniriques encapsulées dans une peau de cire. » Elle magnifie avec poésie l'ordinaire et l'anecdotique en des fenêtres ouvertes sur la contemplation.
« Gaëlle Cueff. Troubler les frontières », jusqu'au 10 février 2024 à la galerie Françoise Livinec, 30 rue de Penthièvre, 75008 Paris).
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