Toboggan, manège, panorama, géants... Cette nouvelle section confiée à Nicolas Trembley a des allures de fête foraine, et pour cause. « Pour mettre en perspective la foire, l'idée était de revenir aux origines en s’inspirant des dispositifs d’expositions en vogue au XIXe siècle dans les Expositions universelles, introduit le commissaire Nicolas Trembley. Les cinq œuvres monumentales sélectionnées zooment sur la question du divertissement et du ludique, mais lorsqu'on se penche sur le propos des artistes, on découvre qu'elles sont un peu plus critiques et qu'elles s'ancrent dans les problématiques contemporaines. » Au cœur du dispositif trône dans les airs et du haut de ses 17 mètres la Valkyrie Mumbet de Joana Vasconcelos (née en 1971 / Gowen Contemporary), appartenant à sa série des « Valkyries » qui rendent hommage à des femmes engagées. Ici, il s'agit d'Elizabeth « MumBet » Freeman, dont le combat pour la liberté en 1781 a contribué à sonner le glas de l'esclavage dans le Massachusetts. On retrouve les matériaux et techniques de prédilection de l'artiste portugaise, à savoir le crochet, le tissu, la laine, la dentelle, les pompons, des franges de leds mais aussi de la capulana, un textile multicolore du Mozambique, ancienne colonie portugaise où sont nés les parents de Vasconcelos. Cette sculpture monumentale, produite à l'occasion de l'inauguration du MAAM (MassArt Art Museum) de Boston avec la première exposition personnelle de Vasconcelos aux États-Unis, est présentée pour la première fois en Europe.
Le sens caché des images
Aux quatre points cardinaux se répartissent les 4 autres pièces, avec en premier lieu Metapanorama I, II & III de Dominique Gonzalez-Foerster (née en 1965 / Albarrán Bourdais). Ce triptyque est extrait de l'environnement multisensoriel « Alienarium 5 », exposé à la Serpentine Gallery de Londres en 2022. « Le fragment représente ''la ville'', un espace où les extraterrestres sont accueillis et où les gens se rassemblent contre la guerre, décrivent les galeristes Eva Albarrán et Christian Bourdais. Gonzalez-Foerster invite les spectateurs dans un royaume où les extraterrestres ne sont pas seulement des sujets de fascination, mais des participants à part entière dans le tissu social. » En imaginant un monde où les aliens et les humains vivent en harmonie, Gonzalez-Foerster rêve d'une façon contemporaine de vivre pacifiquement. Plus légère, l'installation Mexico Set de Blair Thurman (né en 1961 / Xippas) transpose les codes des circuits automobiles avec humour. Large de 12 mètres et composée de 19 panneaux monochromes, elle puise dans les couleurs du pop art et des comics. Elle est complétée par un buggy, Obut (Indiana), « un véhicule tout-terrain orné de parasols, arborant fièrement le nom de l'État des États-Unis où se trouve un célèbre circuit automobile », détaille le commissaire. Si ce véhicule n'est pas praticable, le toboggan Ninth Life d'Oli Epp (né en 1994 / Semiose) l'est ! L'artiste continue d'explorer un motif qui lui est cher et qui est une star sur les réseaux sociaux : le chat, qui n'a ici rien de mignon. « Pour l'artiste, le consumérisme, le divertissement et une surconsommation d'images conduisent à la dépendance et engendrent de l'anxiété, relève le commissaire. Chaque visiteur est invité à utiliser et à s'amuser avec ce chat-toboggan, une figure un peu angoissante à l'esthétique sado-maso. » Tout aussi ironique est White Snow Dwarf (Grumpy) de Paul McCarthy (né en 1945 / Hauser & Wirth). En représentant Grincheux à taille humaine et en « déformant son visage jusqu'à le rendre grotesque, McCarthy critique la superficialité de la culture de masse et son consumérisme, analyse Nicolas Trembley. Il remet également en question les constructions idéalisées de l'enfance innocente véhiculées par Disney. » Le conte de fée vire au cauchemar, et la fête foraine n'est pas si légère qu'elle en a l'air !