Dans l'atrium de l'ancien collège Jean Lolive de Pantin (Seine-Saint-Denis), des femmes d'une association locale s'affairent autour d'un sapin de Noël. Dans quelques jours, enfants et adolescents du quartier des Quatre-Chemins viendront célébrer les fêtes de fin d'année et partager un goûter, avant de repartir avec un cadeau. Dans une salle adjacente, l'AG d'une autre association se prépare. Au-dessus, dans les coursives, l'ambiance est studieuse. Artagon, « lieu collectif de vie, de travail, d'échange et d'apprentissage », est une ruche tranquille. Une centaine d'artistes y partagent des ateliers aménagés dans les anciennes salles de classe de l'établissement, mis à disposition par la Ville de Pantin. On y trouve aussi des bureaux logeant des associations liées à la création, comme Contemporaines, engagée pour l’égalité de genres dans l’art, des critiques d'art et curatrices, ou encore la revue Manifesto XXI. Un jardin et une cuisine partagés, des ateliers son, bois et vidéo font du lieu un petit éden pour jeunes artistes, dont beaucoup vivent non loin de là, dans un département aux loyers moins élevés qu'à Paris intra-muros.
Dans quelques semaines, la première promotion, installée depuis 18 mois, laissera la place à la suivante. C'est le cas de Camille Juthier, qui quitte avec regret les 40 mètres carrés baignés de lumière dont elle bénéficie au dernier étage, contre un loyer de 100 euros par mois. « Ici il y a une vraie cohésion, on forme une communauté, apprécie l'artiste. Et on ne subit pas de pression aux résultats. Des rencontres peuvent être organisées avec des professionnels du milieu, mais on montre notre travail si on veut, quand on veut. » Elle souligne par ailleurs l'engagement du lieu pour informer les artistes sur leurs droits. Des professionnels de l'art viennent donner des conférences, tandis que Delphine Toutain, de l'agence TADA, assure une formation à la comptabilité et à l'administration, le tout gratuitement. « Ça m'a changé la vie, je suis beaucoup moins angoissée par les aspects administratifs de la vie d'artiste », sourit Camille Juthier. Ainsi les artistes en début de carrière trouvent là ce qu'on enseigne encore peu en école d'art, et bénéficient d'un réel suivi.
Moteurs de développement
Développer les territoires par l’art et la culture, via la reconversion d’édifices inoccupés en espaces temporaires de création, est devenu un modèle majeur pour toute métropole. La stratégie est de « favoriser une économie créative en articulant industries et politiques culturelles, en développant des locaux pour ces activités et en mettant en synergie artistes, acteurs culturels et économiques, universitaires, aménageurs et habitants », explique la sociologue Cécile Offroy dans son Étude sur sept lieux de coopération artistiques. Nombreux sont les acteurs publics comme privés à y avoir adhéré depuis 2019, année du lancement par le gouvernement du programme interministériel Nouveaux lieux, nouveaux liens, piloté…