2016, jungle de Calais. Fred Kleinberg entame un périple qui l'amènera à sillonner différents camps de migrants (jusqu'à Lesbos). Dans celui du nord de la France, il rencontre Amar, un jeune chanteur qui était une star à Mossoul. « Lorsque Daesh a envahi la ville, il a été arrêté et torturé, relate Fred Kleinberg. Il a réussi à s'enfuir en payant ses geôliers et pendant son exode, on lui a envoyé une photographie de sa fiancée décapitée. » Comment survivre à l'horreur ? Ce portrait et l'enregistrement d'une chanson composée par Amar aux paroles poignantes (J'aime la vie, mais pas comme ça) sont d'ailleurs les derniers témoignages du chanteur qui a fini par se donner la mort peu après. Avec ce projet intitulé « L'Odyssée », Kleinberg souhaite apporter une lecture sensible et humaine de ces drames que vivent tant de migrants qui sont réduits à des faits divers et des statistiques, tout en restant attachés à la peinture et à l'art. « Une fois que la jungle a été démantelée, c'est toute la Méditerranée qui s'est installée sous le métro aérien à Paris et je rappelle qu'Ulysse a été le premier migrant qui, dans son voyage, s'est aussi retrouvé dans le détroit de Messine et à Lampedusa. » L'artiste convoque ainsi à la fois la mythologie et les récits bibliques pour prendre de la distance en créant à chaque fois un diptyque confrontant deux réalités, mais convoquant également des archétypes universels qui ont été traités par des grands peintres. Ici, il s'inspire d'une gravure du Déluge de Gustave Doré qui apparaît comme une allégorie de l'histoire d'Amar. Cette série est enfin présentée au public à l'Espace Niemeyer, alors qu'elle aurait dû être présentée à l'Institut du Monde arabe il y a plus de cinq ans.
« Fred Kleinberg. Odyssée », jusqu'au 14 janvier, Espace Niemeyer, 2, place du Colonel-Fabien, 75019 Paris.
espace-niemeyer.fr