Si l’on prend son titre au pied de la lettre, l’exposition « The Sublime », du latin sublimis, offre des œuvres « qui se tiennent en l’air ». Jusqu’ici, rien de trop impressionnant donc. Ce n’est qu’en entrant dans la haute galerie de brique et de métal de l’ancienne centrale électrique des Reinbeckhallen, épicentre énergétique de l’Allemagne de l’Est devenu obsolète à la chute du Mur jusqu’à sa transformation en centre culturel en 2017, qu’on en comprend mieux l’ampleur du sens, ou plutôt, le sens de l’ampleur. Comme une longue marche en montagne, l’exposition de Clemens Tremmel se présente par étapes, chaque nouveau cap franchi menant à une vision et un niveau d’interprétation surélevés. Après un premier sentier de vues bucoliques peintes sur les pages d’un vieil atlas, les tableaux en guise de balise guident à une plaine de toiles où se découvrent les paysages arides de Jordanie, de garrigue en Italie, de pluie grise en Écosse et de bosses de terre au Népal. Quelques mètres encore et nous voilà arrivés au sommet. Suspendu en l’air, l’imposant triptyque à l’huile sur aluminium de 2,8 x 5,4 mètres fait plonger dans un décor en bord de mer et de fiction. Désert, ciel et falaise se mêlent et s’imposent à la vue au point de cacher l’horizon, de faire disparaître l’au-delà, d’anéantir toute perspective d’échappatoire. C’est peut-être ce que cherchent finalement à faire voir les œuvres du peintre allemand, qui s’inscrit dans le sillage tourmenté de ses aînés romantiques Caspar David Friedrich, Caspar Wolf ou même Gerhard Richter, sans pour autant faire fi de l’hyperréalisme antinomique constitutif de l’époque contemporaine qui, à coup d’images du bout du monde toujours plus nombreuses et toujours plus définies, semble devenir aveugle à la beauté du plus grand, au sublime de l’inconnu et de l’invisible. Comme un (r)appel au sauvage, l’exposition invite à monter et puis redescendre aux pieds des lieux, des visions, des idées et des mots, qui passent eux-mêmes d’un état solide à un état gazeux comme dans la plus simple des sublimations.
« Clemens Tremmel – The Sublime », jusqu’au 12 décembre à la Stiftung Reinbeckhallen à Berlin.
stiftung-reinbeckhallen.de