Le Quotidien de l'Art

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Marina Abramović, affranchie du passé ?

Marina Abramović, affranchie du passé ?

À la Royal Academy, nous assistons à la purge de 50 années d’Abramovic, un passé reconstitué par le commissaire Andrea Tarsia. D’une extrémité à l’autre de ce parcours sacrificiel et initiatique, c’est son corps, toujours à l’encan, qui se prête et se plie au paroxysme : en 1974, à Naples, au Studio Morra (que Giuseppe Morra, intime du Living Theatre et de Hermann Nitsch, a depuis lors transformé en vaste musée-fondation), les visiteurs du musée avaient six heures pour tourner 72 objets, un à un, sur, vers ou contre elle : l’un d’eux lui entailla la gorge et bu de son sang, « J’ai appris que si […] tu t’en remets au public, il est capable de te tuer », dit-elle. Fille de résistants, « libérée de ma mère, libérée de Belgrade, libérée de l’art bidimensionnel », confie-t-elle dans son autobiographie, Walk through Walls, elle rejoue ce passé en rendant hommage à son père dans deux vastes salles rouge communiste. C’est d’abord The Hero : montée sur un cheval blanc, la hampe d’un drapeau blanc en main. C’est ensuite un présentoir de memorabilia paternels : décorations, certificats militaires, savon à raser, aiguiseur, photos des funérailles organisées par le Parti. « Tout est souffrance, confie-t-elle, la douleur est une porte d’entrée vers la compréhension de soi-même et de l’univers. La douleur physique est simple, car elle finit toujours par disparaître, mais je continue à me battre contre mes blessures émotionnelles. » S’est-elle affranchie du passé ?

royalacademy.org

Article issu de l'édition N°2703