Et de deux ! La mécanique impeccablement huilée d’Art Basel a porté ses fruits pour l’édition 2023 de Paris+, dernière édition dans les espaces trop étroits du Grand Palais éphémère. Les organisateurs ont reconnu une petite baisse de fréquentation (38 000 visiteurs contre 40 000 l'an dernier) mais se sont félicités du succès. Clément Delépine, le directeur, attend avec impatience la montée en puissance : « L'impact de la foire sur la vie culturelle de la ville est indéniable et ne pourra que s'amplifier avec notre arrivée au Grand Palais en 2024, dont nous nous réjouissons déjà. » Toutes les grandes galeries ont abondé, faisant état de stands pris d’assaut dès le vernissage. « Les premières heures de la foire ont semblé encore plus animées cette année, a indiqué Serena Cattaneo Adorno, de Gagosian, et nous avons vendu un certain nombre d'œuvres dans les premières minutes qui ont suivi l'ouverture des portes, avec des ventes destinées à des collections privées et publiques. » Niklas Svennung, de Chantal Crousel, a renchéri : « Jamais une foire à Paris n’a réuni un public d’une qualité aussi élevée et des collectionneurs de régions aussi lointaines et variées : Indonésie, Corée, Californie… » Des galeries plus émergentes se sont jointes au chœur, comme Guillaume Sultana : « Paris+ par Art Basel a une fois de plus dépassé nos attentes. Si la première édition avait été remarquable, nous avons été frappés par l'excellent niveau de la foire cette année, qui s'est déroulée dans une atmosphère très positive ».
Impact géopolitique
Le Rothko proposé à 40 millions de dollars chez Pace a sollicité des manifestations d'intérêt mais pas de commande ferme - on comprend les hésitations à ce niveau de prix... Chez Applicat-Prazan, quatre des sept tableaux emblématiques de Jean Hélion ont été vendus dont L’Atelier, de 1953, le plus tardif de ce florilège, acquis par le musée d’Art moderne de Paris, alors même que l’institution prépare une grande rétrospective pour 2024. Les sold out n’ont pas manqué, à l’image des Roberto Gil de Montes chez Kurimanzutto, tous envolés entre 12 000 et 150 000 dollars. Même Henri Jobbé-Duval, l’un des piliers de la FIAC, a reconnu le travail effectué : « Avec sa force de frappe, Art Basel a réussi à faire de Paris une capitale mondiale. Ils ont upgradé la FIAC, qui a été la première grande foire à accueillir le grand public et qui, on l’oublie souvent, avait voulu débarquer avant eux aux États-Unis en proposant de racheter la foire de Palm Beach ! » Derrière la façade des louanges, quelques bémols ont été exprimés en off : un public mal trié le jour du vernissage, qui a inondé les espaces, compliquant les négociations ; des ventes tambour battant mercredi et jeudi mais un clair ralentissement les jours suivants ; une frilosité – sans doute due au contexte géopolitique – plus évidente dans la tranche de 30 000 à 100 000 euros que pour les grosses pièces millionnaires. Enfin, les nostalgiques de la FIAC ne désarment pas, rappelant que derrière son aspect plus disparate et moins international, l’ancienne foire parisienne permettait d’étonnantes découvertes. L’entrée au Grand Palais permettra peut-être de réinjecter un peu de cet esprit en élargissant le spectre – on espère notamment voir croître le nombre de galeries émergentes, limité cette année à 14. Rendez-vous le 18 octobre 2024.