C’est un peintre singulier que le Centre Pompidou nous fait redécouvrir. Passionné par le monde animal depuis l’enfance, Gilles Aillaud (1928-2005) n’a cessé de représenter phoques, panthères, girafes, ours, éléphants, ibis ou perroquets sur près de 400 huiles sur toile, jusqu’en 2000. Mais si cette ode à l’animal résonne avec les préoccupations écologiques de notre temps, Aillaud est resté toute sa vie durant à la marge du pop art et de la figuration narrative triomphants, préférant photographier ou dessiner dans ses carnets les espèces rencontrées dans les zoos européens. Le profil d’Aillaud demeure bien atypique : philosophe recalé à l’oral de l’École normale supérieure par Merleau-Ponty, et président du Salon de la jeune peinture en 1967 au côté d’Eduardo Arroyo, il demeure un fervent militant marxiste puis maoïste, dont les toiles révèlent les dispositifs d’incarcération animalière, à la manière du livre de Michel Foucault, Surveiller et punir. Pour dépeindre l’incroyable variété des robes animales, Aillaud explique avoir emprunté au réalisme de Vermeer, à qui il a consacré un essai philosophique en lien avec Spinoza, et à la touche légère de Manet, qu’il vénérait. C’est suite à un voyage au Kenya en 1988, que le peintre effectue pour illustrer une encyclopédie éditée par Franck Bordas, que ses animaux apparaissent enfin libres et se fondent dans les grands espaces de la savane. « Les animaux sont des gens comme les autres », défendait l’artiste, qui a ainsi cherché à réconcilier l’humain, l’animal et son environnement. Une question plus pressante que jamais.
« Gilles Aillaud. Animal politique », jusqu’au 26 février 2024 au Centre Pompidou.
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