L’archive n’est pas morte, elle bouge encore. L’appropriation du matériel d’archives (écrit, photographique, filmique, sonore, etc.) est un phénomène d’ampleur mondiale, qui connaît un regain d’intérêt dans l’art contemporain. « À chaque fois c’est comme des vagues qui reprennent », observe Pascale Cassagnau, responsable des fonds audiovisuels et nouveaux médias au Centre national des arts plastiques (CNAP). L’archive hante notre présent. Comme un retour du refoulé enfoui dans le passé, elle revient s’échouer de manière cyclique. La dernière documenta de Kassel en a encore fait la démonstration. À la direction artistique, le collectif indonésien ruangrupa, animé par un esprit de « partage des ressources », a mis en avant des projets collaboratifs organisés autour de la constitution d’archives et de leur revalorisation, avec notamment The Black Archives, Asia Art Archive, ou encore les Archives des luttes des femmes en Algérie.
Autour de l’archive se cristallisent autant des questions de pouvoir et de domination, d’inclusion et d’exclusion, que des histoires parcellaires ou contestées. Plusieurs historiens de l'art ont étudié récemment le fait que la mémoire et l’histoire sont au cœur des pratiques archivistiques contemporaines. Dans son ouvrage Art + Archive: Understanding the Archival Turn in Contemporary Art (2022), Sara Callahan explique l’intensification de l’utilisation des archives dans l'art au tournant du XXIe siècle par une réaction contre la « perte d’ancrage historique » et un besoin de faire histoire pour « compenser le présentisme » de notre époque. De son côté, Gabriel Ferreira Zacarias, dans son essai Introduction : quel concept pour l’art des archives ? (2017), compare cette « pulsion d’archive » (archival impulse, expression empruntée au critique américain Hal Foster) à un « effort pour faire émerger le passé dans le présent et le présent dans le passé ». Ce « choc des temporalités » doit ainsi permettre « sinon la restitution, du moins le questionnement de la mémoire collective ».
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