Les noirs d'Astrid de La Forest sont tellement profonds qu'ils enivrent, persistent sur la rétine, obsèdent même. Elle les a apprivoisés sur les presses d'un imprimeur suisse incontournable, Raymond Meyer, installé à deux pas du musée Jenisch de Vevey où l'exposition « Figures du vivant » est consacrée à la première femme élue à l'Académie des beaux-arts dans la section Gravure. C'est la gravure en effet qu'elle explore depuis près de trente ans, que ce soit l'eau-forte, l'aquatinte, la pointe sèche et surtout le carborundum, une technique qui préserve la spontanéité de la main, la liberté du geste et la profondeur des noirs. On le voit dans l'exposition : elle excelle à saisir l'attitude d'un singe, le portrait d'une fleur, l'impression d'un paysage, l'âme d'une femme. Elle le fait toujours d'un trait rapide et vif, comme pour garder en mémoire l'énergie d'un instant. « Astrid de La Forest est face au monde et non contre le monde », résume Florian Rodari, commissaire de l'exposition et conservateur de la fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex (une des entités du musée Jenisch). Le musée avait déjà acquis un triptyque qui introduit une seconde exposition, « Gardiens du silence », mettant à l'honneur l’arbre (de Rembrandt à aujourd’hui), et lui a commandé pour l'occasion un polyptyque monumental dans l'escalier, Mémoire de l’arbre, mesurant 10 m2. « J'ai besoin de voir, de ressentir, d'être émerveillée pour travailler ensuite dans l'atelier », livre-t-elle. Pour nous émerveiller à notre tour !
« Astrid de La Forest. Figures du vivant », jusqu'au 29 octobre, au musée Jenisch, Vevey, Suisse.
museejenisch.ch