« J’ai acheté le tableau sans l’avoir vu au grand jour, supposant que je tenais encore une Ruelle de Vermeer. C’est Vermeer à s’y méprendre, même de près (…) J’y ai trouvé une signature très correcte : I.Vrel. Ce nom n’est guère hollandais, ni d’aucune langue. Est-ce une abréviation, une contraction ? Je ne sais », déclarait en 1866 l’historien de l’art Théophile Thoré-Bürger (1807-1869) qui redécouvrit Vermeer sous le nom de Van der Meer de Delft. Il ne se doutait pas qu’il avait acquis l’œuvre d’un peintre mystérieux dont l’identité ne serait réellement connue qu’à son entrée dans les collections du Rijksmuseum en 1892. À partir de cette date, des études approfondies se sont multipliées, d’abord aux Pays-Bas, puis en France où son originalité est remarquée en 1935 : mise en scène simple, espaces limités et fermés produisant des effets imprévus, vues urbaines menant au cœur de la cité, là où les canaux ne peuvent pénétrer, traitement audacieux des ruelles anonymes et pauvres animées de petites gens délaissées par les autres artistes. Cultivant l’énigme, Jacobus Vrel (1617-1662) orthographiait son nom de diverses manières et ne datait que rarement ses peintures. L’étude dendrochronologique du bois en provenance de Pologne et de la Baltique sur lequel il exécutait ses huiles a permis de dater celle-ci en 1650 et de confirmer qu’il a été actif de 1640 à 1660, ce qui le situe au moins pour un temps en précurseur de Vermeer (1632-1675). On lui connaît quarante-quatre panneaux sur bois et un dessin, dont plus de la moitié sont exposés à la Fondation Custodia à l’initiative de son regretté directeur Ger Luijten qui, dans son inlassable quête d’inattendu, nous fait découvrir cette singulière figure de la peinture hollandaise du XVIIe siècle.
« Jacobus Vrel, Enigmatique précurseur de Vermeer » à la Fondation Custodia, 121, rue de Lille, 75007 Paris, jusqu’au 17 septembre
fondationcustodia.fr