Si l’on avait à brosser le portrait de Jeanne Susplugas en quelques œuvres, on ne manquerait pas de mentionner, outre l’œuvre matricielle La Maison malade (1999-2023), des pièces comme Boîte de déception (2005) et son subtil glissement sémantique, les vidéos For your eyes (2005) et Iatrogène (2006) ou la récente série de « neuroportraits » In my brain (2017). Identifiable à la translucide beauté réversible du cristal reprenant la forme du comprimé brisé de Graal (2013) et sa myriade d’éclats, son travail conjugue magnétisme et dangerosité latente. Celle-là même dégagée par Hair [Tribute to Gordon Matta-Clark] (2010-2018), autoportrait fascinant et terrifiant à la fois, où l’artiste pose hiératique, les cheveux épars scotchés sur un fond grillagé. De l’encagement à la chevelure sacrifiée[1], c’est sur ce jeu d’oppositions et de polarités que repose toute sa démarche.
À ce titre, La Maison malade, saturée de boîtes de médicaments du sol au plafond jusqu’à l’asphyxie, peut être considérée comme un geste manifeste riche de développements. Si le poids du biographique en a été le déclencheur[2], cette pièce revêt également toute une symbolique présente aussi bien dans le champ des arts que dans celui de la psychanalyse. Le thème de la maison est rarement vierge de tout signe ou manifestation, quand il n’en porte pas nettement les stigmates, comme en témoignent certaines productions telles que les dessins et gravures de Louise Bourgeois, de ses débuts synthétisant le motif de la « Femme Maison » jusqu’aux installations-cellules plus tardives, dont Cell (Choisy) née de réminiscences de la maison familiale. Au-delà de sa lutte intime pour exorciser le passé au moyen de la pratique artistique, on retiendra la connexion entre un corpus artistique et l’affirmation d’une position propre à une artiste qui « n’a cessé d’identifier les contraintes imposées aux femmes – comme, d’ailleurs, les formes…