Chez nous, l'ALENA est un sigle plutôt mystérieux, qui n'éveille guère d'écho que chez les spécialistes des relations internationales. Au Mexique, c'est un tremblement de terre connu de tous : le traité de libre-échange, signé en 1994 avec les États-Unis et le Canada, a entraîné une multiplication des usines de sous-traitance à la frontière (les maquiladoras), désorganisé une partie de l'économie et donné un coup de fouet ultra-libéral dont n'a pas profité toute la population... Choisis par Marisol Rodríguez dans la collection d'Alain Servais, 13 artistes réfléchissent aux effets induits par l'accord, entre afflux de jeux vidéo de seconde main (l'installation d'Andrew Roberts), trafic d'armes et omniprésence de la violence (thème cher à Teresa Margolles), enrichissement des élites (les photos de Daniela Rossell dans les salons kitsch des parvenus), abâtardissement ou disparition des mythes et traditions qui rythmaient les communautés indigènes (chez Naomi Rincón Gallardo). Cette remise en question des bienfaits du capitalisme sauvage s'accompagne de coups de pique aux valeurs bien ancrées du machisme : l'Emiliano Zapata queer de Fabián Cháirez, nu et en talons aiguilles sur son cheval, avait suscité quelques remous lors de sa présentation à Mexico en 2019...
« Amexica » à l'Institut culturel mexicain, 119, rue Vieille-du-Temple, 75003, jusqu'au 13 juillet.