Un homme qui roucoule comme un pigeon, un autre qui s'active sur une machine à coudre, une femme qui tire les cartes, une autre qui propose un free hug : ceci n'est pas un collage surréaliste. C'est le workshop « To Give and To Expect Nothing in Return » (Donner et ne rien attendre en retour) organisé par le collectif indonésien Gudskul (ou plutôt une poignée de ses 57 membres) le jour de l'inauguration de la biennale Momentum 12 conçue par un autre collectif, Tenthaus, à la Galleri F15 de Moss, sur l'île de Jeløya, en Norvège. Débarquant dans ce cadre enchanteur – maisons de bois rouges, champs à perte de vue, horizon dégagé vers le fjord d'Oslo –, il faut un peu de temps pour comprendre ce jeu de poupées russes plus ou moins chaotique, et s'intégrer à ce qui ressemble à une fête où tout le monde s'amuse mais à laquelle on n'a pas le sentiment d'avoir été vraiment invité.
Tenthaus, c'est ce groupe d'une vingtaine d'artistes et travailleurs de l'art – et presque autant de nationalités (iranienne, taïwanaise, argentine, mexicaine, norvégienne, indienne, britannique, italienne…) basé dans un bâtiment utilitaire d'Oslo. « On n'y vit pas, il faut des limites », concède Mechu Rapela, Argentine qui préfère au titre de managing director celui de driver – soit celle qui « garde chacun sur le chemin qu'il doit suivre ». D'abord composé d'une poignée d'artistes, il s'est peu à peu étoffé jusqu'à atteindre 20 personnes. « On a simplement frappé à la porte », disent en chœur Shahrzad Malekian et Matilde Balatti, attirées par l'appel d'air. Si la première est curatrice et la seconde administratrice, les rôles ne sont pas fixes : hors son travail propre, chaque membre de Tenthaus peut proposer une performance, l'accueil d'un invité, une collaboration avec un éditeur… On n'y vote pas, mais on peut déclarer un veto. « Chacun prend des décisions sur des sujets…