Le Quotidien de l'Art

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Keller en scène  

Keller en scène  

Fiat lux ! C’est sous un jour nouveau, celui de scénographe, que se révèle Evi Keller. La plasticienne allemande, représentée par la galerie Jeanne Bucher Jaeger, a rejoint l’aventure Didon et Énée aux côtés de la chorégraphe Blanca Li et du chef d’orchestre William Christie. Les décors et costumes imaginés pour cet opéra en trois actes de Henry Purcell sont une déclinaison de ses « Matière-Lumière », nom singulier qui s’applique à l’ensemble de sa création, sculpturale, picturale, photographique, sonore, performative… Transformer le visible au gré d’un éclairage subtilement dosé. Tel est le défi que relève, d’un projet à l’autre, Keller. Pour illustrer les amours impossibles de la reine carthaginoise et du héros troyen, l’artiste a dressé sur scène un « monolithe de braises et de cendres » annonçant, dès le début, la mort de la souveraine. Tragédie… D’un point de vue technique, il s’agit d’une superposition de films transparents couverts d’encres, de cendres et de vernis, surface qu’elle brûle, grave, gratte, peint, expose parfois aux intempéries. Trois voiles translucides viennent ponctuellement masquer ce fond aux tonalités argent, cuivre ou azur (quand Énée reprend la mer). Sur ce triptyque se détachent, à contre-jour ou sous les projecteurs, trois « sculptures-costumes » au même aspect moiré. Les danseurs courent, glissent, volent sur un sol trempé (gare aux éclaboussures !) À l’écoute des chanteurs, ils prolongent leurs gestes et paroles d’un cambré, d’un saut, d’une pirouette... « La lumière est une matière tellement subtile qu’on ne peut ni la peser, ni même la toucher, mais c’est elle qui donne accès au monde spirituel. C’est pourquoi nous devons chercher la lumière, penser chaque jour à l’introduire en nous comme une quintessence pure, rayonnante», dit Evi Keller. Tel est l’effet que produit ce spectacle : il réveille le feu, la lumière, le soleil qui sommeille en nous. 

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Article issu de l'édition N°2630