Le Kunsthistorisches Museum de Vienne fait converser les toiles renversantes de Georg Baselitz avec celles des maîtres anciens. Véritable hommage, l’exposition célèbre le 85e anniversaire du chef de file des néo-expressionnistes. Ayant pour point d’ancrage la figure du nu, la rétrospective explore ce thème au travers de 40 peintures issues de sa propre collection et de 75 œuvres de la période tardive du peintre allemand. Chacune d’entre elles a été soigneusement sélectionnée par ce dernier, qui déclare : « Comme du papier peint pour les vieux maîtres, voilà ce que seront mes tableaux ». Cette promiscuité avec le maniérisme, marquée par la subjectivité et l’expressivité, trouve un écho tout particulier dans l'expressionnisme féroce de Baselitz, qui en constitue une forme d’aboutissement. C’est toutefois dans les points de dissonance que se révèle tout l’intérêt de ce dialogue séculaire. Le maniérisme et sa précision minutieuse se heurtent au matiérisme, à l’économie sobre des détails et à une figuration qui flirte avec l’abstraction. Là où les maîtres anciens faisaient des récits historiques et mythologiques un prétexte pour représenter le nu, chez Baselitz, le corps se suffit à lui-même. Contrairement à ses prédécesseurs, il n'en fait pas une célébration glorieuse de la jeunesse et de la beauté. Les musculatures excessives, les courbes serpentines et les formes harmonieuses sont délaissées pour interroger toute la fragilité que constitue cette enveloppe charnelle face à l’épreuve du temps. Visiteurs, du haut de ces toiles monumentales, plusieurs siècles de cheminement artistique et de déconstruction académique vous contemplent…
« Georg Baselitz. Naked Masters » au Kunsthistorisches Museum, jusqu’au 25 juin.
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