Le Quotidien de l'Art

Mélancolie de la consolation

Mélancolie de la consolation
Laurent Pernot.
© Photo Evgenia Smolianskaia.

Il est primordial pour un artiste de disposer d’un texte critique de qualité sur son travail. C'est le souhait d'encourager ce format d'écriture qui est à l'origine des bourses Ekphrasis, lancées par l'ADAGP en association avec l’AICA France et le Quotidien de l’Art : elles ont pour objet de mettre en relation 10 artistes avec autant de critiques. Les textes des 10 lauréats de cette deuxième édition (dotés chacun de 2 000 euros, couvrant la rédaction du texte et sa traduction) sont publiés au long de l'année dans le Quotidien de l'Art, au rythme d'un par mois. Dans cette sixième livraison, Aurélie Barnier se penche sur le travail de Laurent Pernot.

Par un regard aussi lucide que tendre sur l’existence et une attention portée au sens des images-objets et des mots, comme aux contextes de création, aux matériaux et aux gestes, Laurent Pernot déploie une mélancolie de la consolation, métamorphosant la défaite en une fête !

La question du temps incommensurable écoulé depuis les origines de l’univers intrigue l’artiste dès l’enfance et irrigue continuellement son travail.

Il y a dans ses œuvres allant de la photographie à la vidéo, de la sculpture à l’installation ou la peinture, un rapport multiple, à la fois complexe et sans détour, à la durée. S’y déplient les temps de la pensée et de la mise en œuvre, mais aussi le temps du regard du spectateur. Ainsi devant We are miserable, but love, suddenly, saves us (2022), doit-il déchiffrer le double message, celui du tout et celui des seules lettres de néon : « We love us ». S’invitent aussi le temps futur dans Somewhere someday we will meet again (2020) ou Over the seas of future times (2021) et même une temporalité incertaine, reconstituée par des images d’époques et lieux divers, fondues en une photographie intitulée Le temps égaré (2007).

Mémoire, archive et trace sous-tendent la démarche artistique de Laurent Pernot, s’adonnant à une lutte pugnace et délicate contre l’oubli, l’irréversibilité de l’instant, et tout de go pour le droit à l’oubli (au moins provisoire s’il s’agit de se mettre à l’abri) et la promesse d’un avenir retrouvé. Ainsi affirme-t-il « On ne vous oublie pas » dans 82 jours à l’Armurier (2018), pièce installée sur un lieu de refuge de Léon Blum en 1940.

La temporalité du lieu de création ou d’exposition, son histoire, comptent en effet dans L’éternité devant soi, sculpture implantée en 2022 sur le site archéologique de Glanum, et jusque dans le choix des matériaux pour Mulet (2011), réalisée au Brésil en pierre à savon du Minas Gerais.

Les ruines, en tant que vestiges éternellement prestigieux ou rebus enfouis et leur écho romantique, nourrissent nombre de ses œuvres telles Antinoüs, Antinoüs ou Diotima en 2021.

Malgré l’usage du marbre, matériau lui résistant, le temps ruinera toutefois la jeunesse des amants…

Mélancolie de la consolation
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