« Éducation artistique et culturelle » : cet intitulé peu amène est parfois raccourci en un technocratique « EAC ». Les Italiens lui ont trouvé un nom plus joli : « Arte e Immagine » (Art et image). Désiré dans les années 1970, à l'époque où on explorait des voies d'émancipation éducative, voulu par Jack Lang, recalé par les ministres successifs de la Culture et de l'Éducation nationale, c'est une véritable chimère des politiques publiques. Plus qu'un programme, une idée, une utopie (titre d'un ouvrage collectif sur le sujet publié à l'été 2022 aux Presses de Sciences Po), inatteignable pour les uns, indispensable pour les autres. L'apprentissage du sensible par les écoliers, collégiens et lycéens – soit une classe d'âge de 6 à 18 ans –, a pris dans l'histoire récente des formes diverses, mais reste aussi difficile à cerner que complexe à manœuvrer. Les ministères de la Culture et de l'Éducation Nationale, traditionnellement peu prompts à faire attelage, s'en partagent la responsabilité. En 2001, ont été créés les délégués académiques à l’éducation artistique et l’action culturelle (DAAC), tandis qu'en 2019, la rue de Grenelle confiait une mission EAC à Manuel Brossé.
Monstre à deux têtes, l'éducation artistique et culturelle pointe une contradiction majeure des politiques publiques en matière de culture. Tandis que ministères, collectivités et associations, musées, centres d'art et théâtres dépensent une énergie et des sommes folles à « démocratiser la culture », en France, l'étude historique et théorique des arts ne fait pas partie, au même titre que les mathématiques ou la géographie, des matières obligatoires enseignées à l'école. Résultat : des lacunes incommensurables à combler, au prix fort. Depuis la publication de La Reproduction de Pierre Bourdieu en 1970, rien ou presque n'a changé, comme le soulignait une enquête récente du ministère de la Culture : les disparités d'accès à la culture sont un facteur essentiel d'inégalité des chances.
Il y a bien la pratique, celle des arts plastiques et de la musique, dès le primaire, où l'on aborde les œuvres, le plus souvent d'assez loin. Ou plus tard, au collège, des rudiments sur la vie culturelle, de l'Antiquité au XXe siècle. Mais s'étendre sur l'architecture romane ou la peinture de la Renaissance est laissé au libre choix des professeurs (souvent d'histoire-géographie, parfois de français), et implique donc des inégalités d'apprentissage. Tandis qu'un…