Le Quotidien de l'Art

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Les écoles d'architecture dénoncent leur paupérisation

Les écoles d'architecture dénoncent leur paupérisation
Les étudiants de l’ENSA Normandie ont organisé le 15 février, sur le parvis de l’église Saint-Maclou à Rouen la construction d’un mur en briques.
©Romane JEUSSELIN.

« Je jette l'éponge », souffle une étudiante de l'École nationale supérieure d'architecture (ENSA) de Paris-La Villette. Au terme de sa 5e année, elle changera d'orientation, lassée par des conditions d'enseignement « indignes ». La paupérisation des écoles d'architecture n'est pas sans rappeler la situation actuelle des écoles d'art en France. Depuis plusieurs mois, l'ensemble des 20 ENSA de France – étudiants, enseignants et directions confondus – sonnent l'alarme auprès du ministère de la Culture qui en a la tutelle depuis 1985 (prenant la suite du ministère de l'Équipement et du Logement). En décembre, une tribune signée par les 20 directeurs et directrices des ENSA appelait à « un investissement massif dans l’enseignement de l’architecture afin de former les futurs acteurs de la transition ». Le mouvement a pris de l'ampleur début février à l'ENSA Normandie à Rouen, avec un blocage de deux semaines lors desquelles les enseignants ont refusé de faire cours, tandis que les étudiants ont occupé l'école. Dans une pétition, ils déclarent : « Nous ne pourrons plus supporter la sous-dotation chronique en moyens financiers comme humains ». Le 30 janvier, la rentrée n'a pas pu y avoir lieu faute de personnel, raconte Amaury Renauld, représentant du collectif ENSA en lutte, tandis que les dépenses (matériaux, déplacements...) sont de moins en moins pris en charge par l'école. Les difficultés financières des ENSA, entraînant également des problèmes de management, ont empiré depuis 2019. L’État n'investit que 8 500 euros par an et par étudiant en école d'architecture, contre 10 550 euros en moyenne à l’université et 15 500 euros dans les classes préparatoires aux grandes écoles. « Les professeurs sont embauchés en CDD, parfois en-dessous du Smic. Vingt-sept postes manquent à Rouen, le ministère de la Culture a proposé de créer un poste et demi... », explique Amaury Renauld. Une entrevue est prévue rue de Valois début mars. « On veut frapper à toutes les portes pour obtenir un financement pérenne et public », poursuit Amaury Renauld, qui cite le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui ne finance que la recherche (et pas les licences et masters, ni les restaurants universitaires, la médecine étudiante ou le CROUS). Autre potentiel financier : le ministère de la Transition écologique, domaine dans lequel les futurs architectes doivent jouer un rôle essentiel, mis en avant par la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak elle-même, qui annonçait le
30 janvier la création d’un prix RESEDA récompensant les meilleurs projets de fin d’études écoresponsables. En attendant, étudiants et enseignants craignent une privatisation des écoles, déjà engagées dans des partenariats avec des entités privées qui imposent certains sujets d'étude.

Article issu de l'édition N°2555