En 1966, un tremblement de terre ravage la capitale de l’Ouzbékistan. Les dirigeants de l’URSS entendent alors faire de la perle de l’Asie centrale, déjà connue sur le plan culturel pour son festival de cinéma créé en 1958, une sorte de manifeste de l’architecture soviétique. Mais un soviétisme passé au prisme de l’Orient et des mythes spatiaux, qui font alors vibrer les foules. En quelques années, jusqu’à la chute du communisme, la ville se peuple de bâtiments emblématiques, mêlant coupoles de la Route de la soie (comme le grand marché de Chorsu et le Cirque national), cosmonautes adulés (dans le métro ouvert en 1977, à la station Kosmonavtlar, où sont immortalisés Gagarine et Vladimir Djanibekov, premier Ouzbek dans l’espace), moucharabiehs infinis (comme sur la façade du mythique hôtel Uzbekistan, qui a fêté son 50e anniversaire en décembre dernier), sculptures martiales (au Palais de la culture des aviateurs) ou réminiscences Art déco (au Collège d’art républicain). En 2017, l’une des icônes de cette période, la Maison du cinéma, avait été démolie. Depuis, sous l’égide de la Fondation pour le développement de l’art et de la culture d’Ouzbékistan, une vingtaine d’édifices ont été protégés à la suite d’un important travail de recherche de l’agence Grace de Milan, qui a mené au recensement de centaines de structures et mosaïques. Plusieurs publications (dont Tashkent Modernism, XX/XXI, inventaire quasi exhaustif, chez Lars Müller) et expositions ont accompagné ce travail, tandis que le pavillon ouzbek de la Biennale de Venise se fait cette année l’écho de l’étonnant four solaire élevé à 40 km de Tachkent. C’était 1987 et les utopies, quoique vacillantes, étaient encore financées par le régime...
À lire : Tashkent: A Modernist Capital, texte de Béatrice Grenier, photos de Karel Balas, Rizzoli.