Le Quotidien de l'Art

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Miró, un mystique à Paris

Miró, un mystique à Paris

Une ligne d’horizon au-dessous de la mer sépare la terre de ce ciel qu’une curieuse sauterelle, ressemblant plutôt à un mammifère ou à un oiseau, cherche à atteindre en bondissant. Elle s’envole d’une masse rocheuse aux volcans éteints pour rejoindre une planète où ils sont en pleine activité. Serait-ce un autoportrait, parmi d’autres célèbres, de l’artiste Joan Mirò ? Peint en 1925, la Sauterelle fait partie des tableaux créés après le premier voyage à Paris, ville qui marque un tournant dans sa production. L’artiste catalan, entré en contact avec les avant-gardes, libère son langage formel jusqu’à développer son propre vocabulaire de formes flottantes et énigmatiques qui compose les célèbres « Constellations » des années 1940. C’est dans la Ville Lumière qu’il abandonne le réalisme pour l’imaginaire, se plongeant dans ce que Breton définissait comme un « lointain intérieur », peuplé de figures fantastiques. « Mirò était comme un mystique, dit Enrique Juncosa, commissaire de l’exposition que le musée Guggenheim de Bilbao consacre au peintre disparu il y a 40 ans. Ce tableau, représentation allégorique de la création, figure le moment où l’artiste, lorsqu’il peint, est en train de rentrer dans une phase d’extase. » Tous les éléments y sont : l’échelle qui traverse l’astre, symbole d’ascension réunissant deux mondes, le liquide qui sort de la bouche de la sauterelle, bleu comme la couleur avec laquelle le peintre décrivait ses rêves, la signature, décomposée et éparpillée dans le bas du tableau comme dans un calligramme. « Quand je peins, je bondis toujours entre terre et ciel », expliquait Miró quelques années plus tard. Le chemin vers les visions des « Constellations » est tracé ; les mondes intérieur et extérieur ne forment plus qu’une seule réalité absolue. 

Article issu de l'édition N°2546