Est-ce un tigre ou un lion ? C’est un tigron, indique le cartel, à savoir un croisement entre un tigre et une lionne. Peint en 1926 dans le zoo de Regent’s Park à Londres où l’artiste était autorisé à venir le matin, avant les heures d’ouverture, cet animal incarne ici un autoportrait féroce de celui qui était considéré par la critique comme un peintre sauvage. Car Oskar Kokoshka, contemporain de Gustav Klimt et Egon Schiele, n’a cessé de prendre le parti de la liberté et de la révolte. Artiste classé « dégénéré » par le nazisme (après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, ses œuvres seront décrochées des collections publiques, nombreuses seront vendues aux enchères à Lucerne en juin 1939 au profit de l’effort de guerre nazi tandis que d’autres seront détruites ou disparaîtront pendant la guerre), son geste expressionniste reconnaissable dit le tourment et la résistance. Cette première rétrospective parisienne consacrée à l’enfant terrible de Vienne présente une croyance radicale en la peinture et son pouvoir de subversion, à travers une touche épaisse et le dessin récurrent de mains tortueuses, qui, à la fin de sa vie, ouvrent la voie à la bad painting. À l’encontre de ses portraits, seuls ses paysages présentent un style plus assoupi, frôlant l’académisme, tandis que ses morceaux de bravoure restent ses satires politiques où le creuset mythologique sert une représentation de la situation contemporaine de l’époque. Sa peinture nous fait traverser les bouleversements politiques du XXe siècle en sept décennies de création et 150 œuvres emblématiques, dont plusieurs furent présentées lors d’une grande rétrospective au MoMA dès 1949.
« Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne », jusqu’au 12 février 2023, musée d’Art moderne de Paris
mam-paris.fr