Le Quotidien de l'Art

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Dado empoisonné

Dado empoisonné

Drôle d'architecte dans ce paysage chaotique, en ruine, dévasté par des bombes. Assis sur un fauteuil aux roues disparues, il est monstrueux. Est-il l'auteur de ces destructions ? Peut-être. Dado peint ici, comme dans la plupart de ses toiles depuis qu'il s'est installé à Paris en 1954, des souvenirs étouffés de la guerre dans son Monténégro natal. Cette œuvre illustre le propos du commissaire de l'exposition, Jean-Paul Ameline, au même titre que la centaine d'autres qu'il a réunies pour « L'Art migre à Paris et nulle part ailleurs ». Ces 24 artistes venus des 4 coins du monde – Europe, États-Unis, Amérique latine, Maghreb, Moyen et Extrême-Orient –, se retrouvent précisément à Paris, que ce soit parce qu'ils ont dû fuir un régime politique ou voulu se frotter à l'émulation artistique de la capitale, encore épicentre de la création en 1945. Certains vont nourrir un propos politique (Seguí, Arroyo, Télémaque), mais la plupart veulent être libres de créer (Joan Mitchell, Alicia Penalba, Iba N’Diaye, Milvia Maglione, Véra Molnár, Carlos Cruz-Diez...). Électrochoc de l'expatriation et de la découverte d'une nouvelle culture pour les uns, besoin d'élaborer un langage universel pour les autres, tout cela se traduit avant tout par une diversité des expressions plastiques. Le propos de l'exposition est aussi de mettre en valeur l'importance des artistes étrangers dans la redynamisation de l'art entre 1945 et 1972, grâce à ce cosmopolitisme, à l'hybridation des cultures, au brassage des idées, et peut-être à une plus grande liberté à bousculer l'ordre artistique établi. Histoire sociale et histoire de l'art s'entremêlent alors.

Article issu de l'édition N°2523