Le Quotidien de l'Art

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Le rêve de l'escalier

Le rêve de l'escalier

« J'ai toujours vécu dans les escaliers », avait-il confié à Jean Clair. Pas en raison de son passé de persécuté (d'origine juive polonaise, il échappe de peu à la rafle du Vél d'Hiv) ou d'apprenti bandit (une vocation qui ne durera pas) mais plutôt par fascination pour cet entre-deux essentiel - lieu de communication, de fuite ou de révélation du caractère (« Quand on croise un Génois dans un escalier, on ne sait jamais s'il monte ou s'il descend », disait Malaparte). Sam Szafran, disparu en 2019 à l'âge de 84 ans, en a fait l'un de ses thèmes de prédilection, à côté des intérieurs d'ateliers ou des philodendrons envahissants. Déformant la perspective, entre Parmesan (la Vierge au long cou) et Escher, il croquera des escaliers pendant 40 ans, comme « une araignée, qui monte et descend au bout de son fil », d'abord au pastel, puis à l'aquarelle. Dans la rétrospective que lui consacre l'Orangerie, on voit le premier - celui du 54, rue de Seine, adresse de son ami, le poète libanais Fouad El-Etr, éditeur de la revue La Délirante, juste en face de son premier galeriste, Jacques Kerchache (au numéro 53, aujourd'hui occupé par Hervé Courtaigne). Mais aussi les derniers, des années 2010, dans le cadre de vues urbaines plus ouvertes sur l'extérieur. Cette forme de figuration (honnie par Pierre Cabane, qui parlait de « sauce Szafran », mais plébiscitée par son grand admirateur Henri Cartier-Bresson, qui fut son seul élève) attire un public serré : la moyenne journalière de fréquentation dépasse les 3 300 visiteurs.

musee-orangerie.fr

Article issu de l'édition N°2521