« La nuit, je scrolle jusqu’à la perdition », souffle une voix féminine diffusée dans un sleeping pod, caisson de sommeil dont la popularité s’est faite au Japon au début des années 80 dans les Capsule hotels, prisés des voyageurs fauchés et des travailleurs des grandes villes trop éméchés pour rentrer chez eux. À condition qu’il s’équipe de chaussons, le visiteur peut s’allonger dans ce curieux cocon futuriste équipé d’un réveil et de néons bleutés, un peu moins austère que ceux du Cinquième Élément, pour écouter les témoignages intimes d’inconnus relatant leur rapports, souvent addictifs, aux nouvelles technologies. Fixé au plafond du caisson, un écran projette en boucle des avatars au regard troublant, incarnant chacun les voix d’insomniaques en détresse. Celle de la jeune femme détaille sans détour la manière dont les applications et notifications apparaissant en continu sur son téléphone perturbe son rapport au sommeil, au point de chercher chaque soir un épuisement volontaire, « chargé de couleurs », à la limite de l’hallucination. Captive (2022), installation du Belge Romain Tardy, a été spécialement créée pour l’exposition « États de veille », au 4ᵉ étage de la tour de la Friche de la Belle de Mai à Marseille. Dans une obscurité quasi totale, 14 artistes interrogent : la nuit nous appartient-elle encore ?
Strangers in the night
Réduction du temps de sommeil, surconsommation énergétique, pollution lumineuse, informations délivrées continuellement sur écrans, appareils de surveillance omniprésents : autant de phénomènes dont la banalité s'est accélérée ces 30 dernières années, donnant un nouveau visage à nos nuits. Pour certains artistes invités par le commissaire, Mathieu Vabre, la critique du capitalisme globalisé infuse…