Design : les grandes tendances du marché français en 2022

De l’art ou du design ? Les Lalanne, qui furent parmi les premiers à faire tomber les frontières entre ces deux champs de la création et qui voient leur cote exploser, ont écrasé cette année le marché du design. Le couple mérite-t-il tous ces superlatifs ? Pour s’en assurer, il suffit de se pencher sur les chiffres de l’année 2022. Christie’s a ainsi établi un nouveau record mondial d’enchères le mercredi 25 mai pour Claude Lalanne en cédant son lustre Structure végétale aux papillons à seize bougies, une pièce unique de 2009, pour la somme 2,2 millions d'euros, avant de récidiver six mois plus tard, le 29 novembre, avec la vente d’un miroir, pièce unique de 2015, pour 978 000 euros. Mais c’est l’autre moitié du couple, François-Xavier Lalanne, qui a battu tous les records avec son bureau Grand Mouflon de Pauline de 2008, parti chez Sotheby’s le 3 novembre dernier pour 2,94 millions d'euros.

Valeurs refuges

En ces temps troubles, c’est logiquement que l’année 2022 a consacré d’autres valeurs refuges, à l’instar de Charlotte Perriand et Jean Royère, indétrônables dans le panthéon du design historique. La dispersion, le 25 mai, du mobilier de l’appartement-studio parisien de la designeuse, rue Las-Cases, par la maison de vente Christie’s, était un événement très attendu. Les 13 lots de la collection « Perriand par Perriand », dont la plupart étaient des prototypes conçus pour l'atelier qu'ils n'avaient jamais quitté, ont atteint un total de 1,48 millions d'euros, « bien au-dessus de l'estimation basse de la prévente », précise Christies’s, qui a également cédé une table forme libre dite Feuille de 1953 pour 756 000 euros, « le deuxième prix le plus élevé jamais atteint pour une œuvre de Perriand », souligne la maison de vente.

C’est dans la section « design noir » de cette même vente, que des sièges de Jean Royère ont franchi de nouveaux sommets avec une paire de fauteuils Boule qui a atteint 1,6 million d'euros, établissant là aussi un nouveau record pour l'artiste. Il a été suivi de près par un canapé de la même série Boule, vendu pour 1,4 millions d'euros. Dans ce top 3 cédé par Christie’s, le porte-manteau Liane, commandé en 1956 et acquis par un collectionneur pour 1,22 million d'euros, est devenu le troisième lot de Jean Royère à dépasser le million. Une vente qui confirmait celle proposée par Artcurial deux jours plus tôt, le 23 mai, où était adjugé un canapé modèle Boule dit Ours polaire de 1947 pour 853 000 euros.

Sabrina Dolla, directrice du design de la maison de vente du rond-point des Champs-Élysées rappelle qu’« Artcurial reste également une référence pour le design français d’après-guerre avec des résultats importants pour Line Vautrin ». Surnommée la « poétesse du métal », Line Vautrin (1913-1997) est une artiste française qui a dessiné de nombreux bijoux et objets. Franc-tireuse, elle a développé une nouvelle matière qu’elle baptisa « talosel », à base d’acétate et de cellulose, pour réaliser une majeure partie de ses plus grandes œuvres, et notamment des miroirs qui ont rencontré un grand succès cette année. Chez Christie’s, son miroir Pentagone, créé vers 1960, a été vendu 453 000 euros le 29 novembre. 

Le rôle des galeries

C’est donc la création d’après-guerre qui conserve la faveur des collectionneurs et notamment la céramique, dans la veine de l’artisanat d’art que plébiscite l’époque. Une tendance qui s’est traduite chez Piasa le 6 octobre dernier par la vente d’un ensemble de 31 pièces en céramique émaillée colorée de Jacques et Dani Ruelland, couple emblématique de l’époque, pour 150 000 euros.

Cette consécration ne serait rien sans le travail des galeries, qui œuvrent parfois pendant des années avant que certains mouvements, périodes, designers voient leur cote grimper. Cette année, galeristes confirmés (Jousse Entreprise) ou jeunes marchands (Paul Bourdet, Remix Gallery) ont « poussé » les créations des années 1980 de Philippe Starck, en écho aux différents accrochages proposés aux musées des Arts décoratifs de Paris et de Bordeaux, et remises également en avant par des galeries historiques (En attendant les barbares, Avant-scène) nées au début des années 1980. On a vu ainsi monter la cote de pièces signées Martin Szekely : une décennie à suivre et qui devrait logiquement percer aux enchères l’année prochaine…