Sophie Lesiewicz, 43 ans, a mis fin à ses jours le 18 octobre, au lendemain de la parution dans Le Monde d'une longue enquête titrée « L’affaire "Doucet" : mystérieuses disparitions d’œuvres rares dans une bibliothèque parisienne ». Responsable du service patrimoine de la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA), docteure en histoire du livre et de l'édition, elle avait occupé auparavant le poste de directrice adjointe de la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, à Paris, qui conserve des précieux manuscrits de la littérature française des XIXe aux XXIe siècles, ainsi que des livres imprimés, reliures d’art, photographies, peintures, dessins et estampes de Picasso, Braque, Miró... Placée sous la supervision de la chancellerie, qui au sein du ministère de l’enseignement supérieur est chargée de l’exploitation des biens appartenant à l’université de Paris, la bibliothèque est, selon Le Monde, « au cœur de graves soupçons de trafic d’ouvrages » mettant directement au cause Sophie Lesiewicz ainsi que sa directrice Isabelle Diu. Les deux femmes sont notamment soupçonnées d'avoir subtilisé des ouvrages et des œuvres dans l'appartement de Jean Bélias, qui légua en 2010 à la bibliothèque un extraordinaire fonds, estimé à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Parmi les items disparus, une édition originale de Lunes en papier d’André Malraux et Fernand Léger, un livre de Tristan Tzara, et d'autres pièces apparues récemment en vente publique, notamment chez Millon : un portrait d'Érik Satie par Jean Cocteau, une gravure de Chagall, un dessin d'Annette Messager et des gravures de Toyen. Le Monde signale par ailleurs le rôle d'un troisième personnage, le libraire Jean-Yves Lacroix, avec lequel « un système d’échanges a été validé par la direction, en dehors de tout cadre légal. Des livres écartés du fonds Bélias (ont été) remis à ce revendeur contre d’autres ouvrages susceptibles d’enrichir les collections de Doucet ». D'abord confiée à Marie-Dominique Nobécourt, la gestion du legs est ensuite laissée à Sophie Lesiewicz. En 2018, employés de la bibliothèque et familles des donateurs (Ponge, De Staël, Delay) alarment la chancellerie, qui malgré un rapport accablant maintient les directrices en poste, dans une ambiance délétère. Sollicitée par Le Monde, Sophie Lesiewicz avait contesté les soupçons pesant sur elle, se disant victime de harcèlement de la part des employés de Doucet. Sa directrice Isabelle Diu a quant a elle déclaré : « Je n’étais évidemment pas au courant de ces disparitions et du rôle qu’aurait pu jouer mon adjointe ». Mercredi 19 octobre la bibliothèque de l'INHA est restée toute la journée portes closes.