Paris+ a repris le flambeau de la FIAC avec son programme « Sites » qui présente des sculptures, « accessibles à tous, au-delà des visiteurs de la foire. Bien que la programmation se déroule à l'extérieur de la foire, elle se trouve conceptuellement en son centre puisqu'elle vient donner de nouvelles impulsions au discours culturel contemporain », selon les mots du directeur, Clément Delépine. Si l'installation d'œuvres au sein du domaine du Louvre était déjà de mise au temps de la FIAC, cette année marque un tournant avec une exposition curatée par une commissaire financée par Paris+ et les galeries des artistes. Laurence des Cars, nommée à la tête du Louvre notamment pour sa capacité à établir un dialogue entre l’art ancien et le monde contemporain, explique dans le communiqué officiel : « Cette exposition inaugurale participe d'un vent d'élan que je veux donner aux rencontres contemporaines dans les Tuileries, d'une transformation et d'un renouvellement du projet automnal de sculptures dans les jardins. » Elle a fait appel à Annabelle Ténèze, directrice des Abattoirs-FRAC Occitanie Toulouse, qui a rassemblé 21 artistes internationaux pour écrire « La suite de l'histoire », selon l'intitulé de l'exposition à l'air libre.
Palimpsestes
« Les Tuileries sont le jardin le plus visité de la ville. C'est un lieu de passage, de rassemblement, mais aussi de pouvoir et d'histoire, qui est habité par les locaux, les touristes, les jardiniers... Comme un palimpseste, il raconte tout à la fois des époques anciennes et contemporaines. Les œuvres qui l'investissent aujourd'hui proposent chacune une suite de l'histoire – de l'art et de la société – un peu différente », détaille la commissaire. Plusieurs œuvres interrogent la présence dans l'espace urbain de sculptures monumentales, pour la plupart érigées en hommage à des hommes. Parmi ces « contre-monuments » ou « monuments alternatifs », l'Obélisque bleue de Niki de Saint-Phalle, élevé au milieu des années 1990 comme un monument aux oubliés, fait figure d'aîné. D'autres créations reprennent avec ironie les motifs récurrents de la sculpture depuis l'Antiquité : les lions de Nina Beier se retrouvent à terre, sans grande défense face à leur environnement, leurs ventres en mangeoires invitant les oiseaux à picorer leur intérieur, tandis que les installations d'Ugo Schiavi mettent à mal les sculptures classiques du jardin, sur lesquelles des plantes prennent le pas... Dans le jardin clos du musée Delacroix, Annabelle Ténèze a invité l'artiste américain nonagénaire Thaddeus Mosley à s'incrire, dans un second volet de « Sites », comme héritier d'un autre type de sculpture. Dans la lignée de Constantin Brancusi ou d'Isamu Noguchi, Mosley travaille la matière à partir de formes organiques. Ses récentes créations, notamment à partir de troncs d'arbres trouvés en forêt, ornent le jardin du peintre.
Place Vendôme : Alicja Kwade en force
Ces sculptures biomorphiques font écho à une autre installation in situ, organisée par Jérôme Sans en partenariat avec Paris+, le comité Vendôme et la galerie kamel mennour. Pendant un mois, la place Vendôme est transformée par la présence d'escaliers en béton infinis et d'immenses sphères de marbre, façonnées et polies par Alicja Kwade, dont c'est la plus grande installation à ce jour. Jérôme Sans, qui prévoit de pérenniser son initiative de sculptures sur la place, dans l'idée d'un rendez-vous bi-annuel au printemps et à l'automne, dit vouloir « ramener quelque chose de poétique et de minéral dans cette place représentative du pouvoir dominant. N'oublions pas que la colonne Vendôme, qui est le point central à partir duquel s'organise le plan de la place, a été faite à partir de 1 200 canons fondus pour ériger un récit des exploits de guerre ». Pour l'artiste, ces sphères de plusieurs tonnes « parlent du monde et de notre course autour de lui. De nos tentatives à trouver une certaine place sur cette planète, une position de pouvoir, pour in fine être placé sur un globe flottant dans le vide. Il s'agit de montrer l'absurdité d'une course au néant ».
Lucia chez Auguste
Cette réflexion sur l'espace, sur le rapport entre être et environnement, est aussi aux prémices de l'exposition organisée par le Conseil économique social et environnemental. Dans le cadre de la semaine d'art autour de Paris+, il a invité l'artiste brésilienne Lucia Koch, dont c'est la première exposition en France, à occuper la presque totalité du palais d'Iéna. De gigantesques vélums colorés et translucides se déploient sur plus de 1 200 m², perturbant les repères au sein de l'architecture bien définie d'Auguste Perret. Dans une même optique, la nouvelle installation Karla d'Omer Fast, présentée par Paris+ et la galerie gb agency à la chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts, fait perdre l'orientation par le biais d'une projection holographique et de sculptures fantomatiques. Dans la vraie vie, Karla travaille pour un géant du Net au filtrage d'images et textes offensifs. Son visage en vidéo hologramme flotte dans l'espace, son témoignage anonyme est rejoué en boucle tandis qu'une installation de dessins recrée à l’infini un autoportrait de Max Beckmann de 1917...
« La suite de l'histoire » au jardin des Tuileries, jusqu'au 23 octobre, parisplus.artbasel.com
« La suite de l'histoire - Thaddeus Mosley » au musée national Eugène-Delacroix, jusqu'au 24 octobre, musee-delacroix.fr
« Au cours des mondes » d'Alicja Kwade sur la place Vendôme, jusqu'au 23 octobre, parisplus.artbasel.com
« Double Trouble » de Lucia Koch au Palais d'Iéna, jusqu'au 28 octobre, lecese.fr
« Karla » d'Omer Fast à la chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts de Paris, jusqu'au 23 octobre, beauxartsparis.fr