C’est un pays dont l’image est encore prisonnière des poncifs. Ravagé par des années de troubles puis par une guerre meurtrière contre la Serbie (1998-1999), dont il était administrativement dépendant et qui aurait fait environ 13 000 morts (soit près de 1 % de la population de l’époque), le Kosovo est vu aujourd’hui comme une menace pour l’Europe, un réservoir de migrants. « Pourtant, l’histoire a bien montré qu’il n’en est rien, affirme Albert, le concierge du Grand Hôtel à Pristina. Lors de la guerre, près de 900 000 personnes ont quitté le Kosovo, elles sont à peu près toutes revenues. » Pourquoi dans ce cas, appliquer à ce pays indépendant depuis 2008 la politique la plus sévère en termes de visa ? Si un jeune étudiant des Beaux-Arts veut aller découvrir la Biennale de Venise, il faut qu’il en justifie le besoin par écrit, qu’il prouve qu’il a déjà payé son billet d’avion, qu’il a réglé à l’avance sa chambre d’hôtel, qu’il a les fonds pour survivre sur place…
Une population cadenassée
C’est le premier bénéfice de la biennale itinérante Manifesta : pointer du doigt cette injustice, mettre en avant cette jeunesse prisonnière de ses frontières, qui peut plus facilement aller à New York qu’à Paris, Düsseldorf ou Madrid (l’Espagne fait partie des cinq pays de l’Union européenne qui refusent de reconnaître l’indépendance du Kosovo, inquiète des conséquences que cela pourrait avoir sur le dossier catalan). « Ce n’est qu’en portant cette situation à la connaissance de tous et par la pression des médias que cette libéralisation des visas pourra être obtenue », explique Hedwig Fijen, la fondatrice de la manifestation. En l'occurrence,…