Avec ses 800 images provenant de 20 séries, dont des inédites, l’exposition de l’Ukrainien Boris Mikhaïlov occupe une grande partie de la MEP. Programmée bien avant l’avancement du conflit, c’est la première grande rétrospective en France de cet artiste né en 1938 à Kharkiv. Son « Journal ukrainien » raconte la vie ordinaire de manière extraordinaire, de l’ère soviétique aux années 2010. Cet ancien ingénieur « tombe dans la photographie », comme il le dit lui-même, dans les années 1960 et commence à documenter clandestinement la vie de la rue et celle, plus intime et plus libre car à l’abri des regards, qui se déroule dans les habitations. Si sa pratique emprunte à une certaine tradition quand il colorise les tirages noir et blanc dans les années 1970-1980 (comme ici), c’est pour mieux ridiculiser les images officielles. Tout au long des décennies, Boris Mikhaïlov démontre aussi, et surtout, une créativité sans limite – superposition, mix texte/image, photo « ratée », mises en scène, collages, etc. À la fois parce qu’il est inventif mais aussi pour pallier les pénuries de matériel photo. Se détacher du réel pour prendre le chemin de la fiction et de l’imaginaire était aussi une manière d’échapper à la censure. Son œuvre est une forme de résistance à cette époque où les seules images admises étaient celles de la propagande.
Boris Mikhaïlov, « Journal ukrainien », Maison européenne de la photographie, jusqu'au 15 janvier 2023, mep-fr.org
Parallèlement, la Collection Pinault, présente la série « At Dusk », Bourse de Commerce, jusqu'au 3 janvier 2023, pinaultcollection.com