Ames sensibles s’abstenir. Cette installation, toute en délicatesse et retenue, n’en est pas moins une épreuve. Car en rendant hommage aux malades dont le XIXe siècle scientiste fit des cobayes, les deux artistes nous plongent dans un lieu ahurissant. Répartis dans 170 vitrines, 4900 moulages taille réelle sont à touche-touche. Ces morceaux de corps façon boucherie obsessionnelle exposent chancres, plaies et pustules. « Les malades examinés au rez-de-chaussée, dit Sophie Delpreux, étaient envoyés deux étages plus haut quand leur cas était "intéressant". Là et grâce à un procédé de cire mis au point par Jules Baretta, on leur moulait ce qui finirait par les tuer. » Subtile, l’installation nous confronte à cette passion de l’image, voyeurisme né en 1801, quand Alibert inventa la dermatologie Lui qui fit d’abord appel à des peintres, opta ensuite pour cette cire pathologique qui vit toujours au gré de la température ambiante. Elle est là, déroulant son cauchemar devant nos yeux, juste masquée par quelques drapés de gaze tendus par les artistes, soulignée par des corps allongés tels des linceuls. Ce pavillon inauguré en 1889 fonctionna jusque 1959. Conservé dans son jus, il vaut le détour, comme la fine installation qui le révèle et l’interroge.
Musée des Moulages, hôpital Saint-Louis (1, avenue Claude-Vellefaux, 75010), installation de Sophie Delpreux et Marc Bauer, jusqu’au 30 novembre.