Aujourd'hui, être antiquaire ou commissaire-priseur relève du défi, tant un voile de suspicion flotte sur toute la profession, jusqu'à « une présomption de culpabilité envers les possesseurs », regrette Alexandre Giquello, commissaire-priseur. Il est vrai que des affaires se sont multipliées ces dernières années, avec plus ou moins d'éclat dans la presse. En 2002, le marchand new-yorkais Frederick Schultz était condamné à 33 mois de prison ferme et 50 000 dollars d’amende pour avoir écoulé des pièces pharaoniques sorties illégalement d'Égypte par le trafiquant anglais Jonathan Tokeley-Parry. En 2019, c'était au tour du marchand britannique Douglas Latchford d'être inculpé de contrebande et d’escroquerie par le parquet de New York, actant là l'ampleur de son action destructrice – il a pillé et ravagé de nombreux sites khmers depuis les années 1960 – et donnant un aperçu de la contamination du marché, comme le relayait la Gazette Drouot : « En 2011, une criminologue écossaise, Tess Davis, a recensé les ventes du département spécialisé depuis sa création en 1988 par Sotheby’s. Il avait placé aux enchères 377 sculptures khmères. Aucune ne provient d’une fouille autorisée et 70 % d’entre elles n’ont même pas de provenance. »
Autre « joueur » : le collectionneur et milliardaire Michael Steinhardt. Fin 2021, il a été condamné à restituer 180 œuvres d'art volées ces dernières décennies et acquises via des réseaux mafieux, d'une valeur de 70 millions de dollars. Les 55 œuvres récupérées par la Grèce en février 2022 avaient été achetées au marchand américain Robert Hecht, « basé à Paris et inculpé par la justice italienne de 2005 à sa mort en 2012 », note le Quotidien de l'art du 28 février 2022. En Espagne, le marchand Jaume Bagot attend son procès pour trafic en lien avec le financement du terrorisme, mais il continue de vendre des pièces sur la plateforme Catawiki – comme le sarcophage romain estimé 220 000-250 000 euros, repris sur plusieurs plateformes dont lot-art.com ou drouot.com –, tandis qu'en Égypte, le tribunal pénal du Caire a condamné l'ancien parlementaire Alaa Hassanein à dix ans de prison et l'homme d'affaires Hassan Rateb à cinq ans, dans une affaire de pillage. En France, l’affaire Christophe Kunicki a eu l’effet d’un électrochoc. Cet…