Cette huile sur bois de Christian Schad (1894-1982) est à l’honneur au Centre Pompidou dans l'exposition sur la Nouvelle Objectivité allemande des années 1920. Dans un décor de style montmartrois, le comte est entouré d’un célèbre travesti berlinois et de la baronne Glaser. Schad expose toute l’ambivalence d’une société qu’il juge décadente, où l’on cherche à se divertir pour panser les séquelles de la guerre mais où l'on semble dans le même temps en être bien incapable. Certes, il s’agit des « Goldenen Zwanziger », ces années marquées par un goût débridé de la fête, une libération des mœurs et de la sexualité, que traduisent ici les tenues transparentes. Pour autant, ce trio glaçant forme l’archétype de ce que l’historien H.Lethen désigne comme « persona froide » : nouveau type social où l’individu, pour se défaire de l’humiliation de la défaite, adopte une indifférence totale. Leurs poses statiques, leurs yeux vides où l’on se regarde sans se voir, les transforment en objets uniquement représentatifs de leur statut social. Ils sont littéralement isolés les uns des autres, dans une solitude et une indifférence qui contrastent avec leur promiscuité physique. Ce portrait objectivise la vision nihiliste, désabusée et critique que l’artiste porte sur une société interlope et déliquescente. Il rejette la modernité effrénée et prône le retour vers un monde traditionnel, qui s’exprime dans le choix du médium, la peinture sur bois, chère aux maîtres anciens. De même, le rendu minutieux des détails, symptomatique d’une profonde rupture opérée avec l’expressionnisme, n'est pas sans rappeler l’influence de Raphaël. La gamme chromatique fauviste, la déformation des lignes et la simplification des détails sont délaissés au profit d’un réalisme brut, sans concession, que l’on pourrait qualifier de photographique.
« Allemagne années 20 » au Centre Pompidou, jusqu'au 5 septembre 2022.
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