On croit l’entendre. « Je marchais dans la rue avec deux amis – le soleil se couchait –, quelque chose comme une douce mélancolie me touchait. Soudain, le ciel se teinta d’un rouge sanglant (…) et je sentis un grand cri, sans fin, qui transperçait l’univers et déchirait la nature », confiait Edvard Munch dans son journal le 22 janvier 1892. Il exprimera cette insondable émotion dans son célèbre tableau dont il exécutera cinq versions de 1893 à 1917. En 1984, Andy Warhol reprend cette oeuvre iconique de l’expressionniste norvégien en six sérigraphies de la série « After Munch ». Il écrira : « Je m’étonnais que tout ce que je faisais soit lié à la mort ». Alors que la composition originale est peu modifiée, il utilise des combinaisons de couleurs vives pour créer différentes variations dans le style du pop art. Les deux artistes sont confrontés dans l’exposition « Edvard Munch en dialogue » à l’Albertina de Vienne, qui présente, en regard de 62 toiles et gravures du peintre norvégien, 66 œuvres de sept artistes majeurs du XXe siècle, marquant son influence dans l’art moderne et contemporain. Perçu comme l’expression d’un être tourmenté dans un monde menaçant à l’aube de la modernité, le Cri de Munch interpelle profondément la vedette de la scène new-yorkaise, ce qui peut surprendre au premier abord, et témoigne de l’universalité de l’œuvre. Porté par sa silhouette asexuée au visage terrifié, ce Cri résonne encore tragiquement avec toute son humanité.
À l'Albertina (Vienne), jusqu'au 19 juin.
albertina.at