Deux mois. C’est le délai qu’il aura fallu à l’Unesco pour « reporter sine die » la 45e session du patrimoine mondial qui devait se tenir du 19 au 30 juin à Kazan, en Russie, sous la présidence de cette dernière. Trois semaines plus tôt, 46 pays, dont la France et la Grande-Bretagne, avaient prévenu dans une lettre ouverte qu'ils boycotteraient la session si cette dernière était maintenue sur le sol russe ou si elle restait présidée par la Russie. Alors que les évènements mondiaux prévus en Russie au cours de l’année s’annulent les uns après les autres (congrès international des mathématiciens, congrès mondial de l’Énergie, très nombreuses compétitions sportives….), le délai de réponse de l’Unesco « prouve une nouvelle fois la lenteur de cette administration », peste la numéro deux d’une institution nationale patrimoniale française. Pourtant, créée au lendemain de guerre en 1945 dans le sillage de l’ONU pour démocratiser l’éducation, la science et la culture, l'agence a entrepris depuis 2018 une série de transformations pour moderniser sa gouvernance et ses modes d’action. Bien que l’Unesco n’ait pas souhaité répondre à nos questions malgré nos nombreuses relances, tentons un bilan.
L’Afrique comme priorité
Le domaine dans lequel l’agence onusienne a le mieux joué son rôle est sans conteste le patrimoine tant matériel qu’immatériel (depuis 2003). Il y a tout juste un demi-siècle, était adoptée la Convention pour la protection du patrimoine culturel et naturel mondial. « La protection et la promotion du patrimoine constituent une activité qui a connu un essor constant au sein de l’organisation au fil des années, explique l’historienne Chloé Maurel, auteur en octobre du recueil des « Grands discours de l’Unesco de 1945 à nos jours » (éd. du Croquant). C’est dans les années 60 que l’Unesco a gagné une importante notoriété dans ce domaine, en organisant de manière médiatique le sauvetage des temples antiques d’Abou Simbel en Nubie (Sud de l’Égypte) ». Pour mener à bien cette politique, le Fonds du patrimoine mondial est ainsi doté d’environ 4 millions de dollars, à comparer au Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC) davantage tourné vers les expressions artistiques qui s’est vu alloué pour 2022 un budget de 736 000 dollars. En dépit de la notoriété, efficacité et légitimité acquise dans ce domaine, transparaît dans les choix de classement l’européocentrisme exacerbé de l’institution. En effet, malgré la création en 2006 du Fonds africain du patrimoine mondial, sur les 1 154 sites classés au patrimoine mondial, l’Afrique n’en compte qu’une centaine,…